Avec son Cash orange claquant sa couverture noire et son récit en noir et blanc très noir, la BD que consacre l’auteur-dessinateur allemand Reinhard Kleist à Johnny Cash ne passe pas inaperçue. La lecture conforte cette première impression classieuse. Son récit, biographique, constamment soutenu par un dessin tendu et percutant, est passionnant. Surfant sur un parcours hors du commun, foisonnant et proprement romanesque (une migration sur les bords du Mississippi, un lopin de coton pour survivre et un frère scié en deux sous ses yeux... rien que pour la petite enfance !), Reinhard Kleist se choisit aussi des angles moins célèbres et plus directement liés à la musique, des digressions avec Dylan sur la guerre du Vietnam au Cash à San Quentin, interprétant en public la chanson que lui avait envoyé le taulard Glenn Sherley (scène d’où fut tirée la fameuse photo de l’homme à la tête et aux yeux baissés). La lecture se fait d’une traite. Elle n’est pas forcément tendre à l’égard de Cash, représenté ici dans sa complexité et ses rapports souvent conflictuels aux autres. Kleist touche particulièrement par sa fin, quand le vieil homme part seul, à cheval, se poser dans une clairière obscure et se perdre jusqu'à la nuit (définitive ?) dans ses pensées. Une scène très belle qui sonne comme un écho au dernier clip de Cash, le nostalgique défilé de sa vie sur sa reprise de "Hurt" de Trent Reznor (à voir ci-dessous).
"Cash - I see a darkness" (Titre original) a obtenu le prix du meilleur album au Festival de Berlin 2008 et à la Foire du livre de Francfort 2008.