| Chroniques ConcertsThe Buzzcocks - Paris La Maroquinerie 8 Mai 2006Posté par : Emmanuel Durocher le 22/05/2006
L'air est lourd en cette fin d'après-midi, il semble annonciateur d'orage mais c'est plutôt un cyclone qui attend les quelques cinq cent fans entassés dans la petite salle du vingtième arrondissement. La soirée débute avec Los Chicros, inévitables sur la scène parisienne, qui se dépensent sans compter avec leur post-rock énervé et ses faux airs de Shoegazing. Enfin la salle se remplit rapidement pour former une masse énorme : un public hétéroclite où des groupes de lycéens arborant des tee-shirts du groupe de Manchester côtoient les admirateurs de la première heure ou une certaine branchitude parisienne mais une bonne chose en tout cas, pas de crête, d'épingle à nourrice ou quelconque artifice qui chercherait à rappeler une soi-disant époque bénie du punk.
Et c'est l'arrivée tant attendue des Buzzcocks : Pete Shelley porte sans complexe double menton et ventre bedonnant mais il subsiste l'essentiel, sa voix de teenager qui reste la même qu'il y a trente ans lors de ses débuts ; celle de Steve Diggle n'a pas changé non plus et demeure un parfait contrepoids de hargne teigneuse pour équilibrer à merveille les morceaux, avec sa chemise à pois, le guitariste longiligne fait presque figure de dandy par rapport à son coéquipier (mention spéciale au courageux roadie qui récupérait les guitares que Diggle balançait en l'air entre les morceaux), les deux membres originels sont accompagnés à la basse par le discret Tony Barber (qui a produit le dernier disque du groupe) et un jeune batteur (qui pourrait facilement être le fils des autres) avec une tête à la Mathias Malzieu qui remplace très dignement John Maher (maintenant garagiste en Écosse selon la légende).
Les Mancuniens entament le concert avec le titre éponyme de leur dernier album "Flat-pack philosophy" puis quelques compositions récentes et efficaces mais rapidement, et pour la plus grande joie du public, le groupe revient à ses anciens succès et enchaîne ces petites perles faites de mélodies pop et de rage punk : "Boredom", "Noise annoys", "Fast cars", "What do i get", "Promises", "Ever fallen in love (with someone you shouldn't fallen in love with)", "Orgasm addict", "Why can I touch it?", "I don't mind" ou encore "Breakdown" et j'en passe. Le concert dure une heure et demie et les morceaux n'excèdent pas deux minutes trente, inutile de dire que l'ennui, thème essentiel chez les Buzzcocks, ne fait pas partie du concert et les gens sont déchaînés, la fosse de la Maroquinerie (qui occupe quand même les deux tiers de la salle) est un énorme tourbillon ou l'ado de seize ans (sixteen again !) pogote avec le quinqua dans une ambiance bon enfant, certains se lâchent et viennent faire leur baptême de stage-diving, du gars en costard à la petite japonaise qui brandit fièrement une énorme cÂœur en papier, ils sautent inconsciemment (au risque de se prendre un bonne gamelle) en prenant parfois soin auparavant de toucher ou d'embrasser Pete Shelley. Ce concert risque de laisser quelques blessures, love bites for ever.
Il y a quelques années, Diggle affirmait que si Shelley avait réussi à le convertir à la fumette, il n'avait jamais pu le faire pour l'homosexualité, en tout cas, une chose est sûre : ces deux-là forment un des plus beaux couples rencontré dans le rock (et que l'on laisse Devoto à sa place, sa contribution à la discographie du groupe reste finalement infime), un alliage parfait entre la puissance du premier et la fausse candeur du second, les deux musiciens s'en donnent à cÂœur joie et le public est en extase. Tout se termine par une sortie de cérémonie : groupe et fans se serrent les mains, se touchent, se félicitent mutuellement – Diggle en profite pour rouler une pelle à une admiratrice – comme dit le proverbe : "Have a good buzz, cocks !"
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