| Chroniques ConcertsGotan Project + Melingo - Lyon Fourvières 15 juillet 2006Posté par : Chtif le 18/07/2006
Découvrir un groupe en concert n'est jamais chose facile : l'appréhension de ne pas aimer se joint toujours au désir de découverte. De Gotan Project, je ne connaissais quasiment rien, si ce n'est le dernier single électro-tango qui marche bien. Autant profiter de leur passage à Lyon pour changer de style et voir autre chose que des abrutis s'échiner sur leurs guitares en hurlant des insanités.
Première surprise en arrivant au Théâtre Antique, il y a foule pour combler les gradins. Eclectique et bien sage, le public fait la queue à l'entrée pour cette soirée "Tango nuevo". Il y a des familles entières, des mémés bien habillées, des jeunes tantôt branchés tantôt coolos, et la plupart ont prévu le petit coussin pour ne pas s'abîmer le popotin sur les marches de pierre.
Melingo (en photo), crooner cinquantenaire à l'allure de Parrain argentin, entame la soirée en louvoyant entre tango pur et dur, airs tziganes entraînants, et complaintes rustiques fortement marquées par le violon lancinant. Il déambule sur scène, théâtral et un peu maladroit, avec un certain charme. Les rythmes sont variés, et chauffent progressivement un public ravi du dépaysement. Entre les morceaux, quelques fans hardcore osent même réclamer un titre à voix haute, genre "Muelta de borracho !!". Les débordements s'arrêtent là mais on est pas si loin finalement de l'ambiance des concerts rock : Melingo se met à plat ventre sur scène, les partitions s'envolent sous les coups de vent, et le public quitte son petit coussin pour standing-ovationner le groupe.
Pour les non-hispanophones, l'intérêt des morceaux reste cependant bien limité. On comprend vaguement, mimiques aidant, que Melingo s'est fait briser el corazon, ou que la guitare le démange ("la guitarra me faltaba", plus précisément), mais les nuances nous échappent complètement. On essaie de se convaincre que les sonorités rauques de sa voix sont suffisamment expressives, que la musique porte en elle-même l'essence du sentiment, et que les mots sont superflus, mais rien à faire, il persiste l'impression frustrante d'écouter de la chanson à texte sans en comprendre un traître mot. Reste qu'à l'arrière, les musiciens (deux guitaristes, un contrebassiste, une violoniste, un bandonéon) sont loin d'être des manches, et chacun ira de son petit solo en final. Du bien bel ouvrage fortement salué par le public lyonnais.
Arrive Gotan Project, à neuf en costumes blancs, pour une introduction électro qui déboule sur leur tube du moment, "Diferente" : deux premières minutes totalement réussies qui seront aussi les meilleures de tout le concert. Car quelques morceaux à peine suffisent pour se rendre compte que le tango est à Gotan Project ce que le gothique est à Evanescence : une coloration, un prétexte nourrissant, mais certainement pas l'âme ni la raison du groupe. Chaque titre reprend le même schéma : une rythmique électro tout à fait banale (deux suisses aux platines, pas débordés de boulot), un ou deux gimmicks répétitifs au bandonéon pour remplacer le son de synthé, et quelques accords de guitare, que l'on n'entendra quasiment pas d'ailleurs, grâce à des ingés-sons complètement à la masse tout du long (une bonne minute pour brancher le pianiste en plein solo, ce genre de bourdes...). Et pour couronner le tout, une chanteuse quelconque, pas vraiment concernée par ce qu'elle raconte, et gracieuse comme une asperge en tenue de gala. Après la mise en bouche rassurante de Melingo, on attendait de Gotan Project un mélange sensuel, dansant et exotique, pas une mayonnaise à deux beats saupoudrée de tango d'hypermarché. D'ailleurs, à part deux motivés qui dodelinent de la tête au premier rang, personne ne danse. Le public a pourtant l'air d'apprécier, mais où est la passion, l'intensité dévorante qui devrait être le propre du tango ? J'ai l'impression d'écouter la version hispanique d'un disque infâme de techno-tablas ramené de Turquie.
Seul passage digne d'intérêt, un duel de chant rappé en castillan passe malheureusement sur bande vidéo. On sauvera aussi les violonistes du fond qui s'escriment sur leur archet comme trois vierges immaculées dans un clip de Cradle Of Filth. Malgré cela, Gotan a tout de l'imposture en passe d'être démasquée.
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