| | | par Francois Branchon le 29/12/2000
| Morceaux qui Tuent Diamond day
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| Lorsqu'en 1970, Vashti Bunyan croise la route de Joe Boyd, elle a déjà à son actif un petit 45 tours anecdotique que lui a fait enregistrer cinq ans auparavant Andrew Loog Oldham, le manitou des Rolling Stones. Mais depuis plusieurs mois déjà, ce n'est pas la musique des studios et de ses producteurs qui compte pour elle, mais l'attrait de la route et ceux avec qui elle a décidé de la prendre, Robert l'ami, Bess le cheval et Blue le chien. La roulotte bigarrée de Vashti Bunyan a quitté Londres pour les Hébrides écossaises depuis de longs mois lorsqu'en 1970... mais il faut s'arrêter un instant sur Joe Boyd. Il aurait pu s'appeler Joe Bahlsen, tant il fut le "monsieur plus" de la musique anglaise pop-folk, un de ces types de l'ombre au flair immense, dénicheur de génie et créateur de tant de jouissances déposées au creux de sillons de tant de vinyles. Il a mis Richard Thompson devant un micro, imaginé Sandy Denny, pensé Fairport Convention, sorti Nick Drake de l'anonymat, réuni Mike Heron et Robin Williamson en Incredible String Band, découvert John Martin... jusqu'à la fondation du label Rykodisc à la fin des 80's. Lorsqu'il croise Vashti, il convoque Dave Swarbrick et Simon Nicol (violon et guitare rythmique de Fairport Convention), Robin Williamson (mandoline et harpe irlandaise), John James (dulcichord), la fait descendre de sa roulotte, la colle devant un micro et lui fait chanter les petites miniatures qu'elle fredonne d'ordinaire aux arbres et aux oiseaux. De petites comptines aux réminiscences médiévales anglaises, "Lily pond", des ballades d'inspiration traditionnelle et des mélodies pleines de grâce, "Diamond day", des chansons à la beauté gracile mais sans fragilité, des odes bucoliques à la beauté simple des choses, chantées d'une voix posée avec justesse et délicatesse mais sans souci de convaincre, juste en passant, presque en s'excusant d'être là. Si le style est folk, on ne trouve pas ici de gigues ou de reels, chers à tous les groupes anglais du genre, mais seulement des chansons calmes et douces. Surtout, Vashty Bunyan chante sans y accorder un grand intérêt, comme gratuitement, gracieusement. Et c'est toute la force de ses chansons : Vashti passe près de nous sans perspective, sans autre intention qu'un moment de bonheur partagé, sans se mettre en scène ni se masquer, sans plan de carrière ni campagne marketing. Lorsque "Just another diamond day" est finalement sorti en 1971, Vashti Bunyan était déjà bien loin pour lui assurer une quelconque promotion et il est probable qu'elle s'en foutait royalement. On doit l'exhumation de cette merveille oubliée au petit label Spinney, qui a pour l'occasion retrouvé trois titres inédits de 1966 et 67 et une nouvelle version de "Iris's song for us". "Just another diamond day" est d'emblée un classique du folk britannique, un compagnon inséparable à la Nick Drake, la mélancolie en moins, une petite pointe bucolique en plus. Si vous passez près d'une clairière de conte de Perrault, regardez bien derrière les arbres : on n'a jamais revu Vashti Bunyan, depuis presque trente ans. Des fois que... |
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