| | | par Sophie Chambon le 02/09/2004
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| Un deuxième album pour le trio Résistances qui poursuit son engagement avec une musique intègre, personnelle qui ne répond à aucune sollicitation du moment. On retrouve le rouge et le noir de la pochette, les lettres graffitées qui soulignent encore et toujours le propos militant de ces musiciens, résistant avec pour seules armes, l'écoute, l'échange et le dialogue. Le répertoire fait frissonner notre mémoire collective. Un écho des années de braise, avec le souffle, sans le réchauffé. Car ce folklore ne se veut jamais partisan, et encore moins imaginaire
La thématique (pour)suivie est celle de chants révolutionnaires, mieux de lutte et d'espoir comme la chanson douce de José Alphonso "Senhor Arcanjo" (pendant la Révolution portugaise des illets ), une reprise réussie du poignant "Sandino" de Charlie Haden, et point d'orgue de l'album, le chant du chilien Sergio Ortega "Venceremos", hymne de l'Unité Populaire pendant la campagne de Salvador Allende, qui répond au célèbre "We shall overcome", chant social de ralliement du mouvement américain des droits civiques, inspiré d'un gospel traditionnel. Et comme ces musiques et ces "messages" n'ont rien perdu de leur actualité, pour ne pas être en reste, une composition de Bruno Tocanne "Là-bas si j'y suis", rend hommage au provocateur contesté de France Inter Daniel Mermet, sur fond de jungle ou de savane africaines et de barrissement de saxophones.
La vigilance est de mise en effet, et le trio, éminemment démocratique, se partage les arrangements et les compositions. Par sa tension constante qui ne va jamais jusqu'à l'explosion, cette fière retenue qui s'exerce dans le parti-pris même d'exigence, cette musique est assurément dissidente aujourd'hui. Si l'on parvient à déceler un versant plus doux et mélancolique dans les titres du jeune contrebassiste Benoît Keller ("Céline", "In quarto"), Lionel Martin aux saxophones, joue dans le tranchant, dans l'aigu, toujours sur le vif, relançant l'expression libre et la frissonnante beauté de l'improvisation. Il tisse la matière première du souffle pour s'approcher de la voix dans le chant flûté de "Sandino" et tente même le dédoublement par la grâce du re-recording dans "Les propositeurs". Quant à Bruno Tocanne, toujours à fleur de peaux, il oriente vers d'autres territoires charnels, terrestres. Réussissant plus que jamais à maintenir en éveil, il impulse à la musique du trio l'effervescence d'un jazz vivant. |
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