| | | par Benoît De Baecque le 16/10/2001
| Morceaux qui Tuent 97 Bonnie & Clyde Strange little girl Real men I'm not in love
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| Tori Amos nous a habitué, depuis "Little earthquakes" (son premier album) à un travail d'une grande exigence, ne laissant jamais rien au hasard, portant autant de soin à l'esthétique visuelle qu'à la qualité musicale (les pochettes de ses albums sont des oeuvres en soi, dignes d'analyse...). Ce nouveau disque "Strange little girls" ne déroge pas à cette règle : douze chansons sous douze visages différents... Il y en aurait pour tous les goûts. Que choisir, quand l'artiste devenue Protée reste toujours aussi belle ? Ces douze titres sont tous des reprises "made in Tori" de chansons écrites par des hommes, chantées par des hommes, au sujet des femmes. Tori Amos prend le parti de s'immiscer de l'autre côté de la barrière, pour en souligner peut-être la fragilité. Car elle n'en perd pas son âme, et dès les premières mesures, c'est son esprit que l'on retrouve : sous une voix nue, épurée, plus que jamais à la limite de l'éraillement, toujours la même sensualité dans la tessiture, dans l'harmonie entre les cordes, le piano et les rythmiques (jamais envahissantes), et dans les textes mêmes, choisis pour leur profondeur. Tori Amos a toujours joué sur l'émotion ; elle donne à chaque chanson, de façon parfois inattendue, une charge émotionnelle particulière, comme si elle en était l'auteur, quand elle ne rend pas sa reprise méconnaissable ("Heart of gold" de Neil Young). Son souffle, qui traîne et s'épuise souvent jusqu'au silence, n'a pas changé ; et même travestie derrière les mots des autres, voix de femme dans un regard d'homme, elle apporte sa sensibilité, mélange de suavité et de violence à peine contenue. Peut-être donne-t-elle un nouveau sens aux textes qu'elle reprend ?... Il s'agit néanmoins d'un album plus paisible qu'à l'habitude, d'aucuns diront plus convenu, sans (ou moins de) ces déchirements et hiatus qui laissaient une empreinte si particulière. Mais le style 'amosien' ne se dissimule pas ; les textes sont autant joués que chantés, et Tori Amos offre (comme à son habitude) plus que des chansons. Chaque titre est une histoire, un visage, un morceau de vie, avec cette manière de rentrer entièrement dans les mots, de se vêtir de la musique, et de faire danser sa voix en n'imposant rien, mais en offrant tout, "97 Bonnie & Clide" (de Eminem), "I'm not in love" (10 CC), et le très réussi "Strange little girl" (Stranglers). On se laisse aussi enlever par beaucoup de chansons à capella, où la voix est à peine portée par la musique ("Enjoy the silence", la très surprenante reprise de Depeche Mode). Peut-être lui reprochera-t-on de prendre trop de recul, d'être trop à distance, et de perdre son âme à ce petit jeu de 'travestissement' sentimental, plus vraiment elle-même, et pas vraiment une autre... Mais saurait-on ne pas la reconnaître ? Car l'album a une réelle unité, il s'écoute de bout en bout sans rupture, sans jamais d'hystérie, sans théâtralisation. Pas d'esbroufe, seulement la recherche d'une justesse de ton ; tout est dans la pudeur et la retenue, la modestie et l'attention au détail. Alors plutôt qu'un travestissement, c'est un miroir à multiples facettes, devant lequel se pose une voix discrète qui confirme l'indiscutable : Tori Amos est avant tout une immense interprète. |
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