Sunforest

Tom Rapp

par Damien Berdot le 05/07/2009

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Forbidden city
Sunforest


Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Tom Rapp fut un musicien inclassable, un de ceux qui portèrent le mieux le flambeau de la folk psychédélique pendant les sixties. Il émergea en 67-68 avec les deux premiers albums de Pearls Before Swine, dont il fut le fondateur, l'âme et le seul membre constant. Le nom du groupe, "des perles aux pourceaux" (d'après le Sermon sur la montagne), ainsi que les pochettes des albums (Jérôme Bosch et Bruegel l'Ancien), donnent une indication du contenu musical, qui oscille entre entre mysticisme halluciné et folk-rock contestataire. Tom Rapp, qui prétendra n'avoir fumé que des Winston pendant l'enregistrement de ces albums, chante de façon réellement habitée, sur des accords de guitare mais aussi des flûtes ou des cors.

Au moment où sort "Sunforest", en 1973, Tom Rapp est à l'autre extrémité de sa carrière : à la veille d'un retrait quasiment définitif de la vie musicale, pour devenir avocat (!) (il ne reviendra, de façon inattendue, qu'à la fin des années 90). Cet album et celui qui le précède, "Stardancer", tous deux parus chez Blue Thumb, passent pour plus conventionnels que les premiers. Ils le doivent essentiellement aux conditions de leur production : alors qu'à ses débuts, Tom Rapp enregistrait de façon relativement anarchique, avec des musiciens de passage, ces deux albums-ci furent réalisés à Nashville, en compagnie de musiciens de studio. Ils contiennent cependant des choses d'une belle originalité, preuve qu'un Tom Rapp ne se laisse domestiquer que jusqu'à un certain point !

L'ouverture, "Comin' back", convoque étonnamment les sons et les rythmes de la calypso. Mais dès la deuxième chanson, "Prayers of action", on retrouve le style habituel de Rapp : ce qui s'ouvre comme une ballade, accompagnée par des arpèges de 12-cordes et par le piano, débouche sur un ample solo de guitare électrique, par-dessus un tapis de cordes. Le genre de prédilection de notre "clochard céleste" (il faut le voir sur la pochette, posant les cheveux en friche, avec des lunettes de couleur), c'est la ballade, si possible cosmique : "Blind river", par exemple, avec sa flûte virtuose... On retiendra surtout les deux gemmes que sont "Forbidden city", désolée, chantée dans des chuintements, de façon pâteuse, sur un arrière-plan propice à l'hallucination (les cloches !), et la chanson-titre, fortement leonardcohenienne par ses chœurs féminins et son phrasé. Les paroles, comme d'habitude, charrient leur lot d'aphorismes mémorables. "Love/sex" se veut une réponse au "Love the one you're with" de Stephen Stills ; et parmi les derniers moments de "Sunshine & Charles", une des chansons préférées de son auteur, on trouve ceci : "She was 16 when she found Jesus / He was a Puerto Rican kid and he lived next door". Seule "Someplace to belong", trop légère, est totalement dispensable.

En somme, si "Sunforest" n'est pas le meilleur album de Tom Rapp/Pearls Before Swine, il demeure d'une tenue tout à fait décente. Rien à reprocher à la réédition Lemon Records, en dehors peut-être de l'absence de bonus tracks.



TOM RAPP Love/sex (Extrait Audio)