Attention, fouiller de vieilles malles peut s'avérer périlleux pour le coeur ! Ceux qui se souviennent de la collection "Chocolate soup for diabetics", série de compilations sur le rock psychédélique 60's anglais parue au début des années 80, n'ont pas oublié les perles découvertes sur le volume 1, le violet : The Misunderstood ("Children of the sun"), The Dantalian's Chariot ou ces mystérieux Tintern Abbey, présents avec deux titres, "Vacuum cleaner" et l'excellent "Beeside" .
Présentés alors comme les deux faces de leur unique single, on ne chercha pas plus loin, convaincus qu'il s'agissait là d'un groupe éphémère comme il en existait tant dans le Londres underground, une bande de potes sous acide évaporés depuis.
Tintern Abbey, formé de Dave McTavish (guitariste, chanteur et auteur de tous les morceaux), John Dalton (batterie), Stuart MacKay (batterie) et du jeune Paul Brett (guitare), était pourtant au centre de l'underground londonien. Managés par Spencer Davis et soutenus par IT (International Times), LA revue alternative du moment qui organisait les concerts de l'UFO (voir le film "A technicolor dream"), où se croisait la crème du psychédélisme bouillonnant, en premier lieu Pink Floyd époque Barrett, qui y joua un soir suspendu au plafond. Malgré ce contexte, et bien que sous contrat avec Deram (la branche "rock" de Decca) qui avait produit des sessions en studio tout au long de 67 et 68 en vue d'un album, rien ne vit bizarrement le jour.
Le label Grapefuit exhume aujourd'hui l'intégralité de ce que Tintern Abbey a enregistré en studio, trente-six morceaux proposés sur un double album proprement sidérant.
Le groupe reflète l'effervescence underground de Londres, invente, expérimente (l'arabisant "My prayer" à la manière d'East of Eden), côtoie, égale le Pink Floyd des débuts et semble même inspirer le futur "Grantchester meadows" de Ummagumma ("Beeside") et, bardé de mélodies bien pondues, se pose en groupe original et précurseur, le petit chef d'oeuvre "Let the wind blow" ferait ainsi bien bonne figure sur le "SF Sorrow" des Pretty Things à paraître l'année suivante. Leurs derniers enregistrements, en 1968, délaissent le format chansons pour évoluer vers des morceaux plus élaborés où là aussi, ils peuvent rivaliser ("Life goes by", "Raspberry ripple", "My house"...).
Mais qu'est-ce qui a pris au label Deram de ne rien publier de ce groupe majeur en devenir...