| | | par Jérôme Florio le 31/01/2004
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| "Like a bird on a wire / Like a drunk in a midnight choir / I have tried in my way / To be free"... Tim Hardin voulait faire graver sur sa tombe, en guise d'épitaphe, le premier couplet de la chanson de Leonard Cohen. L'a-t-il fait ?
"Bird on a wire", paru en 1971, est son deuxième disque pour le label Columbia. Il arrivera péniblement au bout du contrat de trois albums en 1973 ; prématurément usé par l'alcool et les drogues, il ne publiera plus rien jusqu'à son décès en 1980. Tim Hardin est à ranger dans le rayon "songwriters précieux" de la discothèque, aux côtés de Tim Buckley, Fred Neil… Dans la deuxième moitié des années soixante, il a sorti quatre disques sur le label Verve : du blues lumineux, du folk gracilement mâtiné de jazz (il se voyait lui-même comme un chanteur de jazz, ce qui a fait grincer les dents des puristes de l'époque). Ces enregistrements de sa meilleure période sont compilés sur le double CD "Hang on to a dream : the Verve recordings" (à l'exception du live "Tim Hardin 3"). Hardin a souvent été repris par des gens plus connus que lui : Scott Walker ("Black sheep boy", "Lady came from Baltimore"), Nico ("Eulogy to Lenny Bruce"), Stina Nordenstam récemment ("Reason to believe"), jusqu'à notre Jauni national ("If I were a carpenter" / "Si j'étais un charpentier" et "How can we hang on to a dream ?" / "Je m'accroche à mon rêve").
"Bird on a wire" n'est pas la meilleure façon d'aborder la discographie de Tim Hardin. En panne d'inspiration, il y aligne quatre reprises et six compositions originales, lesquelles ne sont qu'une pâle copie de ses enregistrements antérieurs ("Moonshiner", "Southern butterfly"). Tel Icare retombé sur terre, il contemple d'en bas sa splendeur passée, peine à tenir la distance. Presque pathétiques de lourdeur, "Soft summer breeze" et "Hoboin'" font penser au Tim Buckley pâteux d'après "Starsailor", batterie groovy, charley surmixé et basse replète. "Love hymn", mal interprétée et empesée de cordes mélodramatiques, est bonne pour une molle veillée feu de camp. Seule "If I knew", belle chanson délicate, aurait pu figurer sur "Tim Hardin 1" ; les arrangements de "André Johray", poème écorché mis en musique, tranchent avec les autres compositions et ouvrent une perspective nouvelle.
Hardin donne tout vocalement, essaye d'arracher de l'émotion, en vain. Il donne l'impression de ne jamais savoir où se placer exactement, mal à l'aise dans des habits qui ne sont pas les siens. Il est pourtant accompagné par de bons musiciens (des jazzmen dont Joe Zawinul aux claviers, Ben Keith à la pedal-steel) : "Georgia on my mind", jouée soft-jazz, est la reprise la plus réussie. "Bird on a wire", qui ouvre le disque, fait illusion les premières mesures, mais plus Hardin en fait plus elle se délite : à la fin, on ne sait pas si les chœurs (The Canby Singers) élèvent la chanson, ou si ils l'accompagnent à son enterrement. De même pour "A satisfied mind", trop courte, qui se termine avant d'avoir vraiment commencé. A plusieurs reprises, on a l'impression que Hardin ne sait pas quoi faire des chansons, qui ne passent jamais par leur point culminant : comme s'il n'habitait plus le centre de sa musique, qu'il en avait perdu le fil.
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