Au début des années 2000, le folk a
connu un renouveau - de Beirut à Sufjan Stevens, en passant par tous
les épigones à guitare ou à banjo. Sous le nom de This is the Kit,
l'Anglaise Kate Stables en était. Entourée d'un réseau de
musiciens et amis fidèles, elle publie un étonnant quatrième
disque, une franche réussite.
On commence en terrain connu,
avec le folk délicat au banjo de "Bullet proof". Le
charme opère déjà : à mi-chanson la voix se met en retrait et
laisse se déployer un arrangement vibrant d'instruments à cordes et
à vents. Du beau travail, qui rend justice au casting de choix qui
épaule Kate : outre un trio central de ses vieilles connaissances
(Jesse Vernon, Rozi Plain, Jamie Whitby-Coles) on trouve l'élégant
Aaron Dessner (The National) sur six titres, et John Parish à la
production. Le groove de "Hotter colder" est entêtant,
avec le saxophone qui s'éprend de liberté jusqu'à prendre le
contrôle dans un abandon réjouissant. Tout se fond admirablement
dans l'interprétation de Kate Stables, qui retombe sur ses pattes
comme un chat avec une évidente souplesse, quelles que soient les
contorsions rythmiques imposées par John Parish. On retrouve le son
qu'il a produit pour PJ Harvey sur l'excellent "Let england
shake" (2011) - un langage rythmique organique qui semble
s'inventer en fonction de chaque chanson (le jazz en ligne de mire
?). Le titre "Moonshine freeze", chaleureux autant que
cryptique, en est une autre démonstration.Le disque connaît son
apogée avec l'ample fin instrumentale et hypnotique de "All
written out in numbers" ; la deuxième moitié est un peu moins
palpitante (les influences africaines trop explicites sur "By me
demon eye") avec tout de même deux excellentes chansons, "Show
me so" et "Solid grease" dont la tension pourrait en
remontrer à Sharon van Etten (Aaron Dessner est passé par-là
aussi).
Tout en conservant la constance et la délicatesse
qu'on lui connaissait déjà, Kate Stables insuffle grâce à des
décalages subtils un regain de fraîcheur et de vigueur à sa
musique.