Faut-il encore présenter les Thee Oh
Sees, ce groupe élevé à coups de pédale fuzz dans les collines de
San Francisco ? D'après nos fiches, la formation est en activité
psychédélique depuis une dizaine d'années et si le dernier album,
"Floating coffin", sorti au mois d'avril, n'a pas encore été
chroniqué ici, ce n'est pas par négligence, encore moins par
malveillance à l'égard des garageux, mais bien plutôt parce qu'on
bataille ferme depuis plusieurs mois pour se frayer un passage à
travers une dizaine de titres psychotiques, tous plus tordus – ou
tordants, c'est selon – les uns que les autres. On ne va pas faire
de mystère, y en a que ça fait rire, mais ce disque est conçu
comme un voyage organisé en territoire cannibale.
Le titre déjà – cercueil
flottant – laissait présager quelque chose de résolument
maléfique mais, c'est promis, l'auditeur ne sera pas en reste. C'est
simple, l'enchaînement des morceaux est ciselé comme un slasher
movie. D'emblée, une ouverture euphorique,
une cavalcade rock garage dans les montagnes, tandis que des loups –
première alerte – hurlent déjà à la lune. Ni une ni deux, sans
prévenir on nous envoie une giclée de riffs infectieux, puis c'est
parti pour un grand barnum de série B.
Dans l'univers de "Floating coffin", on croise beaucoup de monde. Un serial killer, en proie
au doute, est amené à réévaluer son mode opératoire. Un cercueil
volant, branché sur pilotage automatique, transporte un mort qui
chante. Côté effets spéciaux, leur basse n'est qu'une guitare
ingénieusement trafiquée et leur jeu de batterie a la même pulsation qu'une pile nucléaire. Grincements de cordes, bruitages
et mélodies pop. En guise de transition, on dirait que les Beach
Boys font un retour d'acide. Pas de panique, il y a plus grave, comme
cet assassin dans un champ de fraises et, un peu plus loin, la fille
qui se promène sans cerveau - le tout, bien entendu, saupoudré d'un
déluge de fuzz industriel. Strawberry fields forever ! Les Beatles se
retournent dans leur tombe. Le chanteur ricane. Pourquoi ? Peut-être
parce qu'il est question d'un monstre nocturne qui dévore les
enfants ou de morts-vivants poussant l'hallali aux commandes d'un
hélicoptère. C'est pas nous qui allons aller lui demander. De toute
façon, pendant qu'on s'interroge, un type efface le nom de ses
victimes au fond d'un tunnel et au bout du compte le Minotaure, qui
était aussi de la partie, a l'air complètement déprimé, vautré
dans sa tanière et abruti par la routine. On a bien résumé ?
Total : des transitions virtuoses,
quelques morceaux d'anthologie et une flopée de titres à faire
pâlir de jalousie l'Internationale du Garage Musical. Certains
n'hésitent pas à dire que les Thee Oh Sees sont un des meilleurs
groupes du monde. Quant à nous, on n'en a aucune idée. Le mieux
c'est encore de mater leurs clips, deux extraits de l'album. On en
reparle après...
THEE OH SEES Toe cutter / Thumb buster (clip officiel)
THEE OH SEES Minotaur (clip officiel)