Welcome to The Welcome Wagon

The Welcome Wagon

par Jérôme Florio le 18/12/2008

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
You made my day
I am a stranger


Les interprètes de ce recueil de cantiques pop finement arrangés et acidulés sont un révérend de Brooklyn et sa femme, Vito et Monique Aiuto. Mais le Grand Architecte ici est Sufjan Stevens, qui a quelques points communs avec le Céleste Barbu. C'est d'abord un gros bosseur : après avoir marqué les esprits avec ses disques "Michigan" en 2003 puis "Illinoise" en 2005 (ça commence d'ailleurs à dater), il compte comme une influence incontournable de la pop-folk Us (collaborations, ou plutôt apparitions ! aux côtés de The National, Clare & The Reasons, St Vincent...).

"Welcome to the Welcome Wagon" ne nous renseigne pas vraiment sur les personnalités du couple Aiuto. Ils sont docilement au service du talent de producteur et d'arrangeur de Stevens, qui les façonne à son image en quelque sorte, comme un Phil Spector qui serait versé dans les bonnes oeuvres. Sa patte sonore est immédiatement reconnaissable, par exemple avec " Hail to the Lords appointed", balade fragile au banjo très proche de "Chicago". L'aisance de Sufjan est tellement au point qu'il pourrait arranger n'importe quoi à la même sauce - avec lui le 3e RPIMa de Carcassonne chantant "Tiens voilà du boudin" sonnerait comme des enfants de choeur. En plus des arrangements de cuivres façon marching-band à la démarche légère, j'aime bien l'utilisation des guitares électriques en guirlandes de Noël ("You made my day"), et les choeurs gospel qui font parfois bien décoller l'ensemble ("I am a stranger").

Sufjan fait se côtoyer des chansons traditionnelles marquées par la religion ("Unless the Lord the house shall build", "He never said a mumblin' word") et des titres issus du rock : la reprise de "Jesus" du Velvet Underground est presque un choix tarte à la crème, à la limite du décalé quand on la compare avec l'environnement de création de l'originale. Plus surprenante, la relecture de "Half a person" des Smiths, dans laquelle on ne voit pas vraiment le lien avec le Seigneur ni avec une tradition folk. C'est peut-être un indice, qui nous donne des indications sur le rapport de Sufjan Stevens à la musique.

A l'aide des envolées fragiles et gracieuses qu'il organise, Stevens semble en quête d'une certaine élévation. La musique doit provoquer une extase, un peu béate, qui le rapproche peut-être d'un sentiment religieux ? Mais "Welcome to the Welcome Wagon" n'est pas pour autant du "christian rock", simplement une nouvelle pierre apportée par Sufjan Stevens à la fragile et ambitieuse cathédrale pop qu'il s'est mis en tête de bâtir. On aimerait aussi qu'il s'attaque un jour aux gargouilles.