| | | par Sophie Chambon le 11/12/2001
| Morceaux qui Tuent Crazy wisdom
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| Encore une réussite des nordistes qui ont saisi l'essence même de ce courant qui redevient furieusement tendance. Ces jeunes groupes venus de loin savent jouer en effet dans l'esprit de la 'new thing' d'alors. C'est le feu sous la glace, le frisson de septentrion. Seul 'sudiste' de l'équipe, Joe McPhee, polyinstrumentiste généreux et compositeur militant, n'a cessé de travailler au rapprochement des cultures et des hommes. A Chicago, il peut jouer avec ses frères de couleur ou avec des musiciens blancs comme Ken Vandermark ou Peter Brotzmann. En Europe, il tourne régulièrement, attiré comme ici à Stockholm par Matts Gustafsson ou en France par son ami de toujours, le guitariste Raymond Boni. Réalisé l'an dernier, cet album, retraversant à la trompette de poche "The thing" de Don Cherry, ou au ténor "Kathelin Gray" de l'autre père fondateur Ornette Coleman, reprenant du blues "Baby talk" de James Blood Ulmer, ou du rock branché "To bring you my love" de P.J. Harvey, montre qu'il peut y avoir un retour intelligemment complexe et non un revivalisme douteux avec des formes vidées de sens, des élucubrations juste bruyantes. Les trois Scandinaves sont à l'aise dans ce répertoire, emportés dans un mouvement irrésistible et unificateur : pas le moindre temps mort, mais une brusque plongée dans un espace sonore imprévisible, continûment inventif. Peu de soupirs mélancoliques dans les sept plages que comportent l'album, à l'exception du traditionnel "Going home" où le ghost d'Ayler revient hanter cette plainte, fugitivement. Pas de rythmique aseptisée, ni de chorus sans âme, mais une musique repensée et rendue collectivement en un langage ouvert, juste synthèse entre contrainte et liberté : un travail bienvenu qui laisse apparaître une structure rigoureuse et dense, tout en donnant l'impression d'une invention permanente. Rien de tel pour renouer avec cette avant-garde bouillonnante que les sursauts vigoureux de Matts Gustafsson, au ténor et au baryton, qui se combinent, s'enroulent à merveille aux fulgurances de Joe Mc Phee, aussi à l'aise aux anches qu'aux cuivres, même s'il ne sonne jamais mieux qu'avec sa trompinette. Avec une sonorité diversement rauque et tendre, proche du cri et des autres artefacts de la langue, Joe Mc Phee et Matts Gustavsson prolongent leur chant, plein d'une musicalité ouverte aux effets de l'émotion, sans atteindre jamais l'épuisement. Soutenus par une rythmique impeccable qui pilonne avec une douce violence, les solistes mènent une danse vitale, joyeuse et inspirée. Si on aime le free, cet album est à consommer sans modération. |
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