| | | par Chtif le 01/03/2006
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| Qu'on soit bien clair. Si les Strokes ont décroché la timbale du groupe rock le plus "in" du nouveau millénaire, c'est surtout grâce à l'appui aussi soudain qu'indispensable de toute une presse musicale en mal de nouveaux héros à célébrer (et à vendre). Rien au départ ne justifiait leur place de leaders de la nouvelle scène. Musiciens corrects sans plus, pillant sans vergogne le son et le registre de leurs prédécesseurs new-yorkais (Velvet Underground en tête), faux rebelles bien fringués, certes, mais pas mieux que n'importe quelle autre formation branchée de la Grande Pomme, les Strokes ne sortaient décidément pas du lot. De là à en déduire que John Casablancas, papa du chanteur Julian , et accessoirement fondateur de l'agence Elite, a dû arroser pas mal pour faire monter le groupe du fiston, il n'y a qu'un pas que je ne vais pas me gêner pour franchir. Oui, je sais, la remarque est pernicieuse, vacharde et hors-propos, mais en ces temps où de grands pontes sont capables de décider pour nous quel groupe écouter, sur quelle platine et dans quelles Converse, la méfiance est de rigueur.
Le premier album ("Is this it"), surestimé mais doté de quelques bons morceaux, a surtout permis aux Strokes d'ouvrir une brèche pour les formations garage-new wave. Mais après son successeur en roue libre ("Room on fire"), c'est en craignant la redite facile que l'on aborde ce troisième effort, "First impressions of earth" Les deux morceaux d'ouverture ne font d'ailleurs pas illusion bien longtemps. "You only live once" décline une énième variation d'un riff tout à fait banal aujourd'hui, et la basse heavy du single "Juice box", allègrement pompée sur celle des vieux standards R&B, se révèle bien pénible.
Ca s'annonce mal, et pourtant l'arrivée de "Heart in a cage" réveille l'attention : la voix de Casablancas prend petit à petit une ampleur inattendue. Les textes sont encore répétitifs et peu signifiants ("I've got nothing to say" assènera-t'il d'ailleurs à plusieurs reprises durant le disque comme un pied de nez à ses délateurs), mais le chanteur se révèle tour à tour désinvolte, crooner, granuleux ou emphatique. Il sauve à lui seul plusieurs morceaux-rengaine, et évoque parfois Bono dans ses bons moments ("On the other side").
Les guitaristes persistent à vouloir sonner comme une Game Boy sur des gimmicks 80's assez plats (peu de chance qu'EDF déniche ici la musique de sa nouvelle pub), mais s'aventurent un peu plus qu'avant dans certaines contrées inexplorées. Entre deux basiques sprints garage, plusieurs incursions en territoire post-rock, façon Explosion in the Sky, sont à signaler, ainsi qu'une percée celtique à la Pogues en intro de "15 minutes". Quelques trouvailles bienvenues rassurent, tel ce "Ask me anything" baroque et son orchestration triturée à l'électronique qui renvoie aux bidouillages de Brian Eno.
"First impressions of earth" remplit finalement bien son office : énergique et divertissant dans l'ensemble, il contentera largement les fans en baskets et surprendra même à l'occasion les sceptiques, à condition bien entendu que ceux-ci ne s'attardent pas sur l'inconsistance de certaines compos. C'est déjà pas mal. De toutes façons, ça fait un bon moment qu'on ne leur demande plus d'éradiquer la faim dans le monde. |
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