| | | par Jean-Samuel Kriegk le 02/12/2001
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| Une brique monumentale dans l'histoire du rock, un pavé dans la mare médiocre du marché des Dvd musicaux, le remarquable Dvd "The Smashing Pumpkins 1991-2000" évite tous les écueils inhérents à ce genre d'exercice. Clips d'une grande qualité visuelle (sauf les deux premiers), à l'image des morceaux, et navigation très bien pensée : on peut d'abord choisir de regarder l'ensemble des clips par ordre chronologique. On peut surtout s'attarder sur un album dans le menu, avant de choisir une plage. Pour la plupart d'entre eux, on sélectionne ensuite la piste son : le morceau original ou le commentaire du groupe mixé avec la musique, voire un documentaire sur le tournage du clip. On remarque la rémanence de certains thèmes propres au groupe : d'abord un côté très gothique, aussi bien dans la définition des univers que dans l'esthétique des vidéos. Du clip de "Zero", très XVIIIe siècle, avec ses personnages fantomatiques, à celui de "Ava adore", où Billy Corgan ressemble plus que jamais à Nosferatu avec ses griffes, sa cape et son maquillage, ou encore celui de "The everlasting gaze", où les membres du groupe, vêtus de noir (Corgan en cuir), sont déformés par l'angle de la caméra. Mention spéciale à la photo noire et blanc magnifique de "Stand inside your love". Surtout, un sens de la poésie très développé, par exemple avec le sublime "Tonight, tonight", inspiré de Méliès, dans lequel un groupe de touristes du début du siècle s'envole vers la lune en dirigeable. Un couple saute et atterrit dans des paysages merveilleux avant d'être attaqués par des Sélénites contre lesquels ils combattent avec des ombrelles. Tombés dans la mer, ils sont sauvés par Poséidon qui les aide à remonter à la surface dans une bulle d'air après leur avoir offert un spectacle. Une piste alternative du Dvd présente un documentaire intéressant sur le tournage de ce clip où les Smashing jouent posés sur des nuages. La poésie est toujours empreinte de la nostalgie de l'enfance et de l'adolescence ("Rocket", "1979", "Disarm"), bien que les textes de Corgan lui opposent une certaine cruauté. Le clip de "Perfect" répond à celui de 1979 en exploitant les mêmes personnages cinq ans après, car selon Corgan les fans reprochaient à ces deux morceaux de sonner pareil. C'est une petite merveille, construite comme le "Short cuts" d'Altman sur les tranches de vie d'individus ordinaires dont les destins se croisent. La violence enfin d'un groupe qui a toujours oscillé entre apaisement et chaos. La destruction des instruments dans le clip de "The everlasting gaze" est saisissante, et on est surpris de voir James Iha (ceux qui l'ont vu autiste et prostré sur scène comprendront) sauter dans tous les sens sur certains clips. Violence aussi de la vidéo trash de "Try, try, try", censurée l'an passée et proposée ici en version complète. En bonus, on trouve deux morceaux live : une version de "An ode to no one (fuck)" chantée lors de la dernière tournée, avec une violence extrême dans la musique, le son et l'éclairage stroboscopique, montrant le côté heavy des Pumpkins. L'autre titre live est l'un des meilleurs moments de ce Dvd : on y voit le groupe interpréter "Geek USA" en 1993 sur une petite scène de Seattle. Billy Corgan, avec un visage d'adolescent et des cheveux courts chante encore faux, mais l'énergie dégagée est phénoménale, et tout le génie du groupe est identifiable. Une quinzaine de clowns dansent sur la scène, et finissent par slammer au milieu du public dans une ambiance électrique. Seule D'Arcy reste imperturbable au milieu de la scène, statique lorsque les autres membres du groupe semblent en transe avec leur instrument. Un clip est caché : celui du dernier single ("Untitled"). Assez moyen, il montre le groupe en studio d'enregistrement jouer leurs instruments et bidouiller des consoles. Bizarre pour le clip d'un morceau censé enterrer l'aventure Pumpkins. Un regret : l'absence de sous-titres sur l'ensemble des commentaires, qui auraient rendu ce Dvd parfait pour le public français. |
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