| | | par Francois Branchon le 31/12/2004
| Morceaux qui Tuent Big sky Days Animal farm Johnny Thunder
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| En 1968 qui s'intéressait encore aux Kinks ?! Face au bouillonnement des nouveaux groupes, et à l'heure de la prise du pouvoir par les instruments (Jefferson Airplane, Hendrix, Pink Floyd, Traffic, Cream et bientôt Led Zeppelin), les Kinks faisaient fanés et flétris, groupe de la génération des frères ainés, et comme des Beatles, on s'en foutait alors royalement. Car enfin, proposer des chansons à la gloire de la vieille Angleterre, de ses cottages, théières et trains à vapeur et vanter la virginité avant le mariage sonnait plutôt vieux con réac quand dans la rue d'à côté on lançait des pavés et hurlait des slogans libérateurs. L'album se planta lamentablement, les Kinks arrêtèrent de tourner. Qu'il semblait loin le temps d'un "A well respected man", glissé en 66 entre un Small Faces et un Yardbirds...
Ainsi furent les Kinks à l'heure du flower power et de Mai 68, et quelque temps encore, les radios et festivals des 70's envoyant parfois de petits tubes épisodiques ("Lola")... mutant quasi hard rock (sous influence du frangin Dave Davies) vers 77, avant que des héritiers revendiqués insoupçonnables (XTC) et des reprises-hommages signées de groupes intègres, "Stop your sobbing" par les Pretenders" et surtout "David Watts" par les Jam ne remettent à l'honneur "la chanson bien tournée à l'anglaise", consacrant dans la foulée Ray Davies comme leur inspirateur (Paul Weller se peaufinant même, méticuleusement et jusqu'à aujourd'hui, un statut d'héritier de Davies et Marriott réunis).
Sans tomber dans la dithyrambe d'une bible d'étudiants boutonneux et faire de Ray Davies un "maître" voire une icône, écouter aujourd'hui les Kinks de 1968 est charmant. Dégagées du contexte, les chansons - qui n'affichent pas leur âge - offrent aujourd'hui leur vérité nue : une écriture sans reproche, des mélodies incomparables, et cette touche si "british", ridicule autrefois, nostalgique aujourd'hui, d'une Angleterre de 68 si dépaysante et excessive, qui produisait certes des Barrett et des Hendrix, mais aussi des John Steed et des Mrs Peel - eux aussi devenus cultes sur le tard -, une ambiance que les Kinks savent dépeindre à merveille.
"The Village Green Preservation Society" sent les tentures en velours, "Do you remember Walter" les polos vert et les terrains de cricket, "Johnny Thunder" fait tourner les têtes et les curs, "Last of the steam powered trains", un blues inattendu - le ''Smokestack lightnin''' de la British Rail ! - "Big sky" et ses cascades d'accords psychédéliques - un "Hey Joe" de boudoir -, "Animal farm" manège qui part, repart, et repart, du grand "son Kinks"... "Village Green", ballade baroque champêtre mais pas sépia, "Phenominal cat" et son beat "pattes de velours" - ne pas chercher ailleurs l'illumination de XTC - "People take pictures of each other", bande-son d'un Brighton de cinéma muet... et autant de regards distanciés voire amers sur la société anglaise ("why people take photographs of each other ? to prove that they really existed" - "People take pictures of each other")...
Cette réédition en surcharge pondérale (un album vinyle de 15 titres au départ, un coffret de 3 Cd et 62 titres à l'arrivée) est riche de bonus. Les versions complètes stéréo (Cd 1) et mono (Cd 2, la version publiée en novembre 1968), augmentées des titres parus seulement en single, "Wonderboy", "Polly" et surtout le magnifique "Days", archétype de la ballade "à la Ray Davies", douce, un rien désabusée, à l'évidence mélodique désarmante. On ne voit guère d'intérêt à la version mono, au son comprimé dans un seul canal, comme dans un tube. Le Cd3 est celui des raretés : "Lavender Hill" de l'été 67, considérée comme la suite de "Waterloo sunset" la chanson est rejetée de l'album "Something else" au profit de "Autumn almanach" puis de "Village Green", 'Berkeley mews'', une version instrumentale de "Village Green", des extraits de diverses BBC Sessions ("Days", "Animal farm" et "Do you remember Walter", question taraudante posée quatre fois dans cette réédition...)
"...Are the Village Green Preservation Society" est peut-être un des albums des Kinks le plus subtil, le plus abouti, pondu au mauvais moment (pour le succès) mais en même temps évident. Si vous ne les avez jamais entendus, descendez acheter une tarte aux rognons et offrez-vous un voyage dans des sixties d'un autre genre. Bienvenue au Village Vert ! |
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