| | | par Filipe Francisco Carreira le 04/09/2002
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| Il y a un épisode mémorable des Simpson dans lequel Flaunders voit sa demeure disparaître. Tout Springfield s'affaire et se mobilise afin de lui reconstruire une maison, son voisin l'inénarrable Homer dirige les travaux. Lorsque ce dernier fait visiter son uvre enfin achevée, Flaunders pénètre dans un couloir immense qui rétrécit au fur et à mesure de ses pas tant et si bien qu'il finit à quatre pattes. La musique des Flaming Lips est ainsi : elle s'écarte des lois de la physique traditionnelle, ne respecte aucune symétrie et ne connaît pas les angles droits. "The day they shot a hole in the Jesus egg" s'attaque à une période méconnue mais non moins passionnante du groupe de Wayne Coyne, celle qui précède le passage chez Warner et comprend "In a priest driven ambulance". Cet album, qui marque le début des choses sérieuses, se trouve ici dans son intégralité, accompagné de versions démo et d'une longue série d'inédits d'époque : bref, que du bonheur ! En 1989, le groupe, réduit à deux unités avec Michael Ivins, donne quelques concerts en attendant de pouvoir étoffer son effectif ; ce sera chose faite lorsque Jonathan Donahue, futur leader de Mercury Rev avec qui Wayne Coyne avait passé une soirée à débattre de Neil Young, retrouve la trace du duo en Caroline du Nord. Bientôt Nathan Roberts prend position derrière les fûts et le groupe investit la maison que les parents d'Ivins s'apprêtent à vendre. L'histoire est en marche et les Flaming Lips enregistrent leur premier grand disque de rock spirituel. La première (ré)écoute s'avère pourtant difficile et les immenses progrès réalisés depuis par le groupe, tant du point de vue de la production que du point de vue technique et vocal, rend les comparaisons inévitables et brouillent l'esprit. Le cur, lui, ne tarde pas à succomber à ces chansons improbables et (dis)tordues comme des chevauchées sur trois pattes ou des courses-poursuite en Opel Ascona. Les pneus crissent et les portes grincent et si les serrures se coincent et qu'on est à l'intérieur, on sait que c'est pour toujours. "Unconsciously screaming", doux, dur et dingue, raconte une histoire de paranoïa sur un riff acide et ravageur et "Shine on sweet Jesus" aborde le thème de la confiance en soi, bien plus universel que celui de la religion. Les bébés pleuvent dans Rainin' babies", merveilleuse déclaration d'amour qui voit Wayne Coyne s'égosiller généreusement - "This is my present to her !" - et les morts célèbres défilent dans l'insensé "Five stop mother superior rain" : John Lennon, John Kennedy et... Jesus-Christ ! Néanmoins, la chanson la plus surprenante est peut-être la plus simple : "There you are" débute comme une ballade jouée - écrite ? - en dilettante par des freaks échappés de l'asile, avant de partir en lévitation, contemplant avec tendresse les horizons asséchés, arrachant la promesse d'une nuit humide aux esprits du désert. Tout ça avec un peu de guitare et beaucoup de silences. Plus tard, le groupe reprend avec brio et quelques larsens le "What a wonderful world" de Louis Armstrong (ça aurait pu être Sam Cooke), annonçant par sa forme brute les versions démo qui habitent le deuxième disque et dont le degré d'approximation ferait presque passer les premiers Pavement pour du Sting. Les inédits valent le détour comme ce "Ma i didn't notice", perdu au milieu de nulle part, ou le poignant "She's gone mad" : "Elle est redevenue folle / Est-ce que cela veut dire qu'elle m'aime encore ?", intense émotion pour qui a vécu une situation semblable. "The day they shot a hole in the Jesus egg" n'est certainement pas le disque à recommander en priorité aux non-initiés : il représente la face la plus chaotique et la moins abordable des Flaming Lips. Certes. Mais on y entend déjà les chefs-d'uvre à venir. |
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