Heureuse Angleterre des années soixante-dix quand ses grandes maisons de disques se permettaient des départements "underground" à qui elles foutaient une paix royale, confiant leurs catalogues à des têtes chercheuses passionnées. Dans le cas du mastodonte Emi, la sous-marque folle qui nait en 1969 s'appelle Harvest. Emi a le bon goût (et le nez) d'y transférer dès le départ Pink Floyd (déjà deux albums au catalogue général Emi), ce qui assure des revenus conséquents pour se développer. En quelques mois la moisson fut belle : Soft Machine puis Kevin Ayers, Roy Harper, Greatest Show on Earth, Quatermass, Michael Chapman, Pete Brown (parolier de Cream) et... The Edgar Broughton Band des deux frères Broughton.
Le groupe le plus improbable, radical, à gauche toute, militants de l'art auto-géré, des concerts gratuits. Au début des années soixante-dix, quand les businessmen s'emparent du marché des concerts et des festivals, à l'entrée de combien d'entre eux The EBB n'a pas hésité à installer le matos devant les portes et à jouer gratuit, clamant leur fameux "Out demons out" ! Du vrai pré-punk ! The Deviants de Mick Farren, tout aussi rebelles et tout aussi passionnants, les rejoindront un peu plus tard sur ce même terrain.
Comment résumer leur musique... rock, punky, bluesy, swampy... Captain Beefheart fut un modèle lointain mais certain, assaisonné à l'humour anglais et aux prises de position politiques. On parla à leur intention de freak rock mâtiné d'aventures psychédéliques plus denses qui fleurissent en 1969 dans un cercle où se cotoyaient Andromeda, Sam Gopal, Mick Farren & The Deviants, Open Mind, Locomotive, Little Free Rock mais aussi le clan qui avait élu domicile à Ladbroke Grove, avec Quintessence et Hawkwind, même si la musique dans ce cas n'est plus la même.
The Edgar Broughton Band était fondamentalement anarchiste, anti-establishment, anti-gouvernement, pro-underground, avec un son brut, en particulier sur les deux premiers albums "Wasa Wasa" (Harvest 1969) & "Sing brother sing" (Harvest 1970), parsemés de grognements, de chant à la Beefheart, un son de guitare brut et distordu qui se perpétueront au fil de trois autres albums pour Harvest, "The Edgar Brouhton Band" (1971), "In side out" (1972) et "Oora" (1973). Ensuite le groupe se délitera, quittera Harvest et vivra une fin de carrière dans un quasi anonymat.
Mais ils avaient ouvert la voie ! A partir de 72/73, les sons se sont fait plus durs, plus rudes, les commentaires politiques et sociaux plus courants, des addictions nettement moins hip (héroïne) apparurent sur la scène underground britannique, comme une chute annoncée. The Edgar Broughton Band symbolise finalement l'évolution inéluctable de ce courant qui finira par déboucher sur le mouvement punk.
Cette scène était née psychédélique à la fin des sixties, principalement à Londres et centrée sur la classe moyenne des écoles d'art, avec une approche cool et fantaisiste en studio. Dès 1969 des groupes plus durs et plus sombres avaient émergé, plus seulement dans la capitale, dont certains avec une approche plus "réelle" de la classe ouvrière, le discours qui va avec et un son moins fantaisiste.
Réécouter the Edgar Broughton Band ou les impressionnants Third World War et The Clash n'est plus très loin.
Ce coffret couvre précisément leur période Harvest en présentant toutes leurs apparitions à la BBC sur la période 69-73. Une mine !
The EDGAR BROUGHTON BAND Gone blue (Live BBC 1972)
The EDGAR BROUGHTON BAND Out demons out (Live BBC 1972)