"The soft parade", sorti en
France dans la moiteur de l'été 1969 laissait une impression
bizarre et posait question sur la trajectoire des Doors. Lumineux et
hors-normes dès leur départ ("The Doors" janvier 1967),
confirmant bien plus haut encore à la fin de la même année
("Strange days" décembre 67), mais déjà essouflés
l'année suivante ("Waiting for the sun" juillet 68) avec
ses quelques hauts mais des bas ne pissant pas bien haut (le hit
paresseux "Hello i love you" !), les Doors attendaient une
année complète pour publier "The soft parade" en juillet
69, album à la présentation luxueuse, belle pochette gatefold, les
quatre tirés à quatre épingles... Morrison & Co
s'embourgeoisaient ?
A l'écoute, "The soft parade"
ajoutait d'autres questions, d'autres déceptions : le travail
paraissait décousu, la production encombrée de cuivres et
d'arrangements inhabituels. Il y a bien là le réglementaire long
morceau - "The soft parade" - mais à l'exception de
l'enivrant "Shaman's blues", et dans une moindre mesure de
"Wild child" et "Wishful sinful", les mélodies
étaient moyennes et les morceaux ne donnaient pas envie d'y revenir.
Les sections de cuivres dénaturaient le psychédélisme chatoyant
des merveilles passées, et, coup fatal final, les morceaux n'étaient
plus signés collectivement "Doors" mais des musiciens
respectifs, chronique d'un déclin annoncé. Bref, en cet été 69,
l'amoureux de base des Doors, celui dont la vie avait changé depuis
"Soul kitchen" et "Love is strange" était en
quasi deuil. La suite six mois plus tard ("Morrison
Hotel" janvier 70), allait apporter un réconfortant démenti,
sans même attendre le "LA women" final.
Le label de réédition Rhino fête les
anniversaires marquants des grands albums de l'Histoire de manière
grandiose. Les premiers Doors et Love y ont eu droit pour leur
cinquantenaire. On attendit une célébration de "Strange days",
en vain. Et voici qu'il jette curieusement son dévolu sur la parade
molle, et la curiosité le dispute au scepticisme, quels inédits
notoires pouvaient donc recéler cet "accident de parcours"
?
L'objet "50ème anniversaire"
est très beau, au format attendu du vinyle, et comporte un Lp, trois
Cd et un superbe livret.
L'album "The soft parade", en
vinyle comme en Cd est complet, incluant le single "Who scared
you" (sorti séparément en 1969, en face B de "Wishful
sinful"), remastérisé comme il se doit par Bruce Botnick (qui
a pris en charge la production du coffret). Un deuxième Cd le
présente sous un mix inédit différent ("Doors only mix"),
quant au troisième Cd, le bonus, il offre la suite "Rock is
dead", longue improvisation rock blues pas toujours légère ni
fine menée par Morrison et Krieger, empruntant ponctuellement à
quelques standards (Presley), ponctuée d'un gimmick répétitif.
Enregistrée aux studios Elektra de Los Angeles en 1969, elle est ici
éditée pour la première fois dans son intégralité de 1h04 ! (une
version succincte de 16 minutes figurait dans le coffret "Doors
Box Set" de 1997). Le Cd est complété par un autre inédit,
"Chaos", brouillon de ce qui deviendra sur « You make
me real » sur "Morrison Hotel".