Dernier album officiel des Doors avec
Jim Morrison, "L.A. woman" fut à double titre un accident
de l'Histoire, sur son moment (imprévu) et son comment (tout aussi
imprévu).
Interdits de salles à travers tous les États-Unis
à la suite de l'affaire de Miami, les Doors doivent abandonner la
grande tournée américaine de promotion de l'album "Morrison
hotel". Que faire donc sinon se retrouver en studio et enregistrer. Toujours pourvus en
nouvelles chansons de Morrison et Krieger, ils en jouent quelques unes à Paul Rothchild, leur producteur habituel (le "5ème" Doors) dans son
studio chez Elektra. "A chier" dira-t-il, "Une musique
de bar à cocktail"... Rothchild se casse de son côté, les Doors du leur, et se rabattent à la maison, dans leur studio
personnel de répétition. Ils embarquent bien évidemment avec eux Bruce Botnick,
l'ingénieur du son sorcier de tous les disques précédents et décident de se
produire eux-mêmes. Recentrés sur le blues, invitant dans
l'histoire, histoire de se sentir à l'aise, le guitariste Marc Benno
pour les rythmiques et le bassiste Jerry Sheff (bassiste d'Elvis
Presley) pour soulager le pédalier de Manzarek.
Livrés à
eux-mêmes, mais chez eux, "libérés" diront-ils, les
Doors feront merveille. Aucune trace ici des petites chansons
ciselées d'avant, le blues est présent partout, et même les titres
apparemment enjoués ("Love
her madly") sont plombés d'une tristesse traînante ou d'une caverneuse beauté ("Hyacinth house").
L'album tout entier, relève de climats denses (l'incroyable blues "Cars
hiss by my window") où la voix de Morrison se fait lourde de sens ("The changeling", "Riders in
the storm", "The WASP (Texas radio & the big beat)",
"L.A. woman"). C'est aussi au cours de ces sessions que les
trois autres Doors vont réaliser - dernier imprévu - la fin du groupe, avec la décision
de Morrison de ne plus faire de musique et de se tirer de cette Amérique
de Nixon qu'il exècre - il partira pour Paris avant même la fin du mixage, dès ses voix mises
en boite.
"LA woman", album des imprévus devient un
testament, et on reconnaitra à Morrison d'y avoir vidé toutes ses
tripes, en feu d'artifice final. Un album pétri
d'âme et de savoir-faire, qui a apporté aux Doors un immense succès
- grand public avec "Love her madly" et critique avec TOUS
les autres titres, abrités derrière ses deux monuments "Riders
in the storm" et "L.A. woman".
La réédition Rhino qui en célèbre le cinquantenaire est à la hauteur de la chose : un coffret entièrement supervisé par Bruce Botnick comprenant le Lp vinyle avec son mixage stéréo de 1971 remastérisé, le Cd avec le même mixage, et deux Cd bonus fascinants titrés "L.A. woman sessions" : The Doors sont chez eux, dans leur studio et jouent. Des reprises ("Rock me baby", "Baby please don't go", "Mystery train"...), des ébauches, des premières moutures de morceaux définitifs ou parties de futurs morceaux ("Mr Mojo risin'"), ou qui ne verront jamais le jour ("Get out of my life woman"). Sauf aujourd'hui. Un work in progress joyeux et dense.
THE DOORS Get out of my life woman (LA Woman sessions 1971)