Absent friends

The Divine Comedy

par Martin Simon le 23/06/2004

Note: 8.0    

Plus besoin de présenter The Divine Comedy, ou plutôt Neil Hannon, en réel noyau dur d’une formation qui ne cesse d’évoluer (le titre de l’album n’étant d’ailleurs pas étranger à la récente séparation de ses anciens camarades musiciens). "Absent friends", sixième véritable album de Divine Comedy, s’inscrit bel et bien dans la continuité de son œuvre, tout en recouvrant une dimension orchestrale égarée peu avant.

On y retrouve en effet les éléments profondément acoustiques qui ont fait son succès, souvent admirablement maîtrisés et conciliés : clavecins, harpes, pianos et violons se brassent pour des envolées magnifiques ("Stick and stone", le très captivant "Our mutual friend"). Comme d’habitude, le disque s’articule autour de compositions entraînantes ("Come home billy bird"), très douces ("Freedom road"), un brin visuelles ("Laika’s theme"), sans cesse portées par le ton grave et cordial de Neil Hannon (une vraie référence !). Toujours très romantique - avec Michael Nyman ou Jacques Brel en sources d’inspiration et Yann Tiersen en complice érudit, on n’en doutait pas -, mais plus lumineux et léger, "Absent friends" signe un retour à la flamboyance, aux arrangements nobles et aux cordes abondantes.

Or c’est ici que le bat blesse : si le disque respire comme jamais auparavant, il est aussi un peu plus ennuyeux. Après le songwriting folk de "Regeneration", soutenu par une équipe au complet (ces fameux amis absents…), le recours quasi-perpétuel aux cordes tombe en effet parfois dans l’excès. Quoique très bien amenée, cette orchestration docile et très baroque s’éloigne des sublimes et indisciplinés "Fin de siècle" ou "Promenade" pour se rapprocher d’un univers plus linéaire. Heureusement, certains titres échappent au systématisme ("My imaginary friend" par exemple).

Secoué par une impression de répétition, le charme se dissipe donc par moments. Mais pas suffisamment pour oublier que le chanteur irlandais sait livrer quelques bijoux comme peu y parviennent : le superbe "The wreck of the beautiful" ou le chaleureux "Absent friends" rendent notamment compte d’un extraordinaire talent de composition… L’écriture, elle, est d’une grande finesse (normal pour un " amoureux des livres ", de Flaubert à Oscar Wilde) ; au travers de personnages mis en scène, parfois réels, Neil Hannon se penche ici sur le thème de l’instabilité.

D’un genre unique, The Divine Comedy sait faire vivre sa pop orchestrale avec grande classe. On est littéralement emmenés, juste un peu moins surpris.