| | | par Jérôme Florio le 13/11/2004
| Morceaux qui Tuent Big bright eyes Paint the moon Little pink house
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| "Goodbye" serait un trop beau titre pour un chant du cygne. Après dix ans d'existence, la musique des américains The Czars parvient à une imposante maturité, un blues contemporain qui fait la synthèse de toutes sortes de couleurs musicales – comparable à Lambchop sur "Is a woman", en moins monochrome. De la signature visuelle du livret aux notes de piano qui ouvrent l'album comme un générique de film – un mélo poignant genre "Loin du paradis" de Todd Haynes -, le groupe originaire de Denver a conscience de posséder une empreinte forte. "Goodbye" ne deviendra peut-être pas un classique, mais il y a de grandes chances qu'il reste celui des Czars : l'écriture est racée et intemporelle, ou plutôt dans toutes les époques à la fois, et la variété des arrangements montre une maîtrise et une élégance de tous les instants. Les chansons de John Grant, que l'on imagine composées autour d'un piano, parlent d'histoires d'amour qui laissent le cœur desséché comme une terre aride et désolée, mais elles sont chantées d'une voix profonde et vibrante, protectrice, qui oblige à l'écoute (elle peut rappeller Mark Kozelek, des Red House Painters).
Le disque trouve son équilibre dans cette fracture ténue entre douceur et tension permanente : on ne sait jamais vers quel bord les chansons vont basculer, rendant ainsi compte de luttes intimes sans merci. "Los" débute par un duo piano-violon dramatique avant de laisser passer un court orage, qui vient laver des peines d'une enfance qui n'a rien d'idéale. Les chœurs presque baroques de "The hymn" cohabitent avec l'électricité d'"I am the man" et la power-pop de "Pain", aux sonorités plus "space-rock" connues chez Grandaddy ou Beulah. Cet aspect planant est prononcé sur la Floydienne "My love", et sur les refrains de l'endeuillée "Goodbye", fragile édifice que pourrait susurrer Robert Wyatt. Tout s'enchaîne avec une grande fluidité, jusqu'aux extrêmes : "Trash", au texte cru et impitoyable, associe solo hard FM avec violons finement arrangés ; suit "I saw a ship", plus proche de la chanson de marins. "Little pink house", variation jazz avec trompette et solo de guitare bluesy, est magnifiée par la présence de la chanteuse Julie Monley, traitée comme une reine. Les Czars ont droit de cuissage sur tous les styles, peuvent se permettre d'utiliser un procédé aussi commun qu'un vocoder, imbriquent finement quelques touches électroniques qui sonnent comme une boîte à musique.
A l'écoute de "Paint the moon", on se sent à mi-chemin entre le caniveau et les étoiles. Parfaite de beauté grave et enlevée par une rythmique à la Calexico, John Grant y parle aussi de cauchemars, de sueur. A l'autre bout du disque, "Big bright eyes" ressemble au slow-qui-emballe, avec orgue et fin en climax, où Grant compare une relation amoureuse destructrice à un chien qui retourne à son vomi. Humour noir ou chemin de croix, on se délecte de laper un nectar aussi dense.
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