Morceaux qui Tuent Killing an arab Fire in Cairo Grinding halt Jumping someone else's train Boys don't cry
A grands coups
d’albums dépressifs dans les années 1980, The Cure est devenu LE groupe
central de la cold
wave ; ‘’Faith’’, ‘’Pornography’’ et ‘’Disintegration’’ sont
des objets de culte et de fantasme pour des cohortes de fans avides d’ambiances
anxiogènes. C’est oublier que leur plus grand disque, "Three
imaginary boys" (dit l’album du frigo), date des débuts, quand il n'était encore qu'un groupe sans prétention, à la croisée
du punk et de la pop. "Boys don’t
cry", son édition américaine parue l’année suivante a l’avantage d'ajouter les trois premiers singles du groupe, les incontournables ‘’Killing an
arab’’, ‘’Jumping someone else’s train’’ et ‘’Boys don’t cry’’.
The Cure, ce sont Robert Smith (guitare, chant), Michael Dempsey (basse) et Lol Tolhurst (batterie). Le trio met en
place une musique totalement nouvelle, incroyable par son minimalisme et sa
manière de séduire instantanément, pile au moment (concordance des temps) où en Bd la ligne claire, limpide et transparente, vient réinventer Hergé.
De quoi est composé cette formule libératrice ? La basse tient un
rôle crucial, imprimant la majeure partie de la mélodie grâce à des impulsions
généreuses et hypnotiques, tandis que la guitare joue des motifs simples et
pourtant terriblement entraînants. La pop est ramenée à ce qu’elle a de plus basique,
de plus évident : une énergie sensorielle, capable de mener au cathartique
avec quelques notes répétées inlassablement sur un rythme spontané et généreux,
où la guitare se permet de très courtes improvisations se transformant en instants magiques inoubliables. Il y a aussi la présence magnétique de Robert
Smith, débordant d’assurance et de classe, jouant la carte du romantique (le mouvement du même nom poindra quelques mois plus tard en Angleterre) mais avec
une urgence dans la voix qui captive complètement.
Le reste de l’album
est la brillante déclinaison de trois singles cités : ‘’Plastic passion’’ et
son riff épique, ‘’Fire in Cairo’’, porte ouverte sur un monde de lumière et d’émotions
brutes, ‘’Grinding halt’’, les inquiétants ‘’10:15 saturday night’’ et ‘’Three imaginary boys’’… Autant de grands morceaux dont la vigueur juvénile ne s’essouffle
jamais !
"The Eighties start here" titrait le
Melody Maker à la sortie de l’album. En accélérant la mutation du punk en une
musique éminemment romantique et mélodique, sans se départir de rythmes
mordants très rock, The Cure a en effet effectué une plongée en territoire
inconnu, terreau fertile pour toute la scène new-wave, désireuse de renouveler un genre pop mis à mal par les
seventies. Malheureusement, la suite de cette histoire se fera sans eux :
après le très bon "Seventeen seconds" (1980), le groupe s’engluera
dans des projets trop ambitieux, certes encensés pour leur musique progressive et intellectuelle mais ayant perdu en élégance et magie. Qu'était devenue cette faculté à ciseler de parfaites
chansons, dont la simplicité apparente révélait une grâce aérienne
éternellement jeune ?
THE CURE "Killing an arab'' (Audio seul 1978)
THE CURE "Jumping someone else's train'' (Audio seul 1978)