| | | par Emmanuel Durocher le 17/10/2017
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| Formé à Sydney en 1980, The Church débarque en plein dans
l'effervescence des scènes post-punk et new-wave. Leur premier album "Of
skins and heart", signé sur une major est remarqué jusqu'en Europe et
aux Etats-Unis. Il s'ensuit une carrière chaotique faite de bas (pas mal
de flops, quelques délires prog-rock pas des plus inspirés, des gros
problèmes de drogue, séparations incertaines et reformations en tout
genre...) et de hauts avec comme point d'orgue "Starfish" en 1988 et le
(très surestimé) hit planétaire "Under the milky way". Cela n'a pas
empêché les Australiens de surmonter les épreuves, leur dernier album en
date "Uninvited like the clouds" a été enregistré en 2006 mais les
sorties se font de plus en plus confidentielles.
En 1994, lorsque parait "Sometime anywhere" chez Arista, The Church est
en pleine crise, le guitariste Peter Koopes a lâché l'aventure pour
tenter une carrière solo (il reviendra un peu plus tard) et le batteur
Jay Dee Daugherty a quitté le navire. Le groupe se résume à ses deux
membres fondateurs : le chanteur-bassiste Steve Kilbey et le guitariste
Marty Wilson-Piper, deux musiciens qui sont embarqués sur d'autres
projets (le premier collabore avec Grant McLennan des Go-Betweens dans
Jack Frost et le second travaille avec All About Eve et Ultraviolet).
The Church est en manque de fidèles en son sein, son existence est
menacée. Cependant Kilbey et Wilson-Piper tentent le pari de ce neuvième
album, recrutent un nouveau batteur, le Néo-Zélandais Tim Powles (qui
restera par la suite à son poste) et repartent sur de nouvelles bases,
laissant de côté les tics stylistiques du groupe et se lançant à travers
des expérimentations spontanées et électroniques ainsi qu'une approche
du processus graduel et créatif de la sculpture en l'appliquant aux
compositions.
Ce qui étonne sur "Sometime anywhere", c'est en effet la liberté que
semble vouloir se donner les musiciens, aussi bien dans la structure des
chansons (durées variables, styles différents, instrumentaux…) que dans
leur réalisation, les deux leaders échangent leurs instruments et
Kilbey n'hésite pas à partager sur certains morceaux le chant avec son
acolyte ("Angelica", "Two places at once") voire à lui laisser la place
("Fly home"). A sa sortie, à l’orée de la fumeuse ère brit-pop, l'album
fait figure d'Ovni à côté de la plaque : les chansons se partagent entre
new wave de base ("Day of the dead"), groove halluciné à la Happy
Mondays ("Angelica"), instrumental slavisant ("Eastern"), pop faisant la
part belle aux guitares jingle-jangle si chères aux groupes des années
80 ("Loveblind", "Authority", "Business woman"), slow idéal pour rouler
sa première pelle ("Two places at once") et rock psychédélique avec de
longs morceaux pour rentrer tranquillement dans l'ambiance, "Fly home"
et le superbe "The dead's man dream", rêve fantomatique qui montre que
Mercury Rev n'a rien inventé.
On pourra peut-être déplorer le décollage un peu difficile du disque
mais il arrive à trouver petit à petit sa vitesse de croisière ou
quelques aspects power pop rencontrés au détour de certains morceaux qui
peuvent énerver mais la sincérité et le côté un peu anachronique lui
apporte un charme assez difficile à décrire. Finalement, "Sometime
anywhere" peut-être beaucoup de choses : petite perle pop, conte
psychédélique déconstruit, concept album ou simplement un chapitre parmi
tant d'autres d'une épopée qui se poursuit depuis plus d'un quart de
siècle. |
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