Penumbra

The Bennie Maupin Ensemble

par Sophie Chambon le 13/07/2006

Note: 8.0    

Saxophoniste polyinstrumentiste, Bennie Maupin n'a enregistré que quatre albums en quarante ans de carrière. Il a accompagné par contre les plus grands : Miles Davis ("Bitches brew", "On the corner"), Herbie Hancock ("The headhunters"), Horace Silver, McCoy Tyner, Lee Morgan... Il livre avec "Penumbra", sur le label indépendant californien Cryptogramophone, distribué depuis peu en France par Orkhestra, une oeuvre très personnelle, où il intervient à la clarinette basse, au saxophone soprano, au ténor, à la flûte alto et même au piano sur le dernier titre "Equal justice".

Treize des quatorze compositions sont signées de Bennie Maupin, le titre éponyme étant une improvisation collective. Le Bennie Maupin Ensemble est composé du batteur Michael Stephens, ami de longue date, qui a aussi rédigé de vraies notes de pochette de ce Cd particulièrement soigné, à la belle couverture peinte où le bleu, couleur spirituelle s'il en est, prédomine. S'ajoute au trio de base - le bassiste Darek "Oles" Oleszkiewicz, dont la résonance chaude, profonde et boisée crée un sombre contrepoint harmonique et rythmique et le percussionniste Daryl Munyungo Jackson qui joue des différentes textures sonores, verre, acier, fûts de tambours, parvenant même à remuer l'air.

Une réelle communion s'établit entre les différents partenaires, la musique les conduisant vers la sérénité, en ouvrant la voie. On ressort profondément apaisé à l'écoute de cet album : de la musique de Bennie Maupin émane un rayonnement particulier comme si ses compositions provenaient d'un autre monde. Une musique réfléchie, profonde, toujours ouverte qui puise ses racines dans une spiritualité réelle. La rythmique plus que jamais assume sa fonction vitale, elle bruisse et pulse dans l'évident "See the positive" ou dans ce "Message to Prez", où elle n'intervient qu'après une longue introduction où les silences jouent à plein, complétant les effets de bec, de souffle de Maupin. Celui-ci a un son ample, puissant et une très belle amplitude. Sans bousculer les tempos, il atteint une plénitude de son et un volume imposant et majestueux. Quand il rend hommage en solo à la clarinette basse à Eric Dolphy "One for Dolphy", il affectionne l'extrême grave plus encore que le suraigu, même s'il n'hésite pas à franchir las intervalles.
Avec "Penumbra", on est au cœur des tambours avant que ne démarre ce petit riff à la flûte alto qui reviendra hanter longtemps notre mémoire auditive. Jamais musique n'a été autant en adéquation avec le sens : un des morceaux les plus planants où s'équilibrent recherche, inspiration, et mise en condition : tout un mystère qui révèle sa part d'ombre comme les lettres d'or de la définition du mot "penumbra" en cercle sur la pochette : "the part of an image where shade imperceptibly blends with light, a partial outer shadow that is lighter than the darker inner shadow".

C'est une des grandes réussites de cet ensemble de parvenir à traduire simplement mais avec conviction la spiritualité en musique.