| | | par Yves Canevet le 15/03/2003
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| Dans la maison familiale des Wilson, à Hawthorne, Californie, "la ville du bon voisinage", les trois frères Carl, Dennis et Brian dorment dans la même chambre. Dans l'obscurité qui fait peur aux enfants, ils chantent et élaborent des harmonies vocales. Présentant, outre quelques titres inédits, des versions instrumentales et a cappella de chansons du groupe, "Hawthorne CA" prouve - s'il en était besoin - que la musique des Beach Boys est une extraordinaire combinaison entre l'instrumentation très variée, la production où rôde le fantôme de Phil Spector, et ces voix plus instrumentales que jamais.
Parmi ces titres, on trouve une version a cappella renversante de "Kiss me baby", un des meilleurs titres de "Today!", et sûrement l'un des trésors cachés du groupe, un morceau précurseur du chef d'oeuvre "Pet sounds". Enregistrées deux fois puis superposées, les parties vocales ont une profondeur et une puissance tout à fait spectaculaire. A l'inverse, "Good vibrations" fait partie de ces titres trop entendus, trop exploités par la publicité depuis trente-cinq ans. Cette compilation en propose deux versions inédites. La première est un enregistrement inédit issu d'une répétition précédant un concert à Hawaii en août 1967. Cette version minimaliste et légèrement ralentie donne une idée de ce que la chanson aurait pu devenir si elle avait figuré sur "Smiley smile". La deuxième est un montage étonnant de différentes sections enregistrées par le groupe et que Brian n'a pas retenues pour la version définitive de ce titre promis au succès commercial que l'on sait. Dans le même esprit, "Vegetables" fait l'objet d'une reconstitution en un steak de soja sonore incluant des enregistrements issus des sessions de "Smile", l'album perdu donc mythique.
Si Brian est sans doute le génie d'une famille qui aura tôt fait de le remarquer et de l'exploiter, la contribution des autres membres du groupe n'est pas négligeable. Le travail de production de Dennis sur "Be with me" transforme ce morceau signé de Brian, ici livré en version instrumentale (l'original étant disponible sur "20/20"), en une ballade romantique comme seul Louis Philippe en compose encore aujourd'hui, cordes et cuivres se répondant avec une extraordinaire justesse. Le chant de Dennis - toujours lui - sur "Forever", associé au contre-chant de Brian, rapprochent ce titre d'un chant religieux. Les Beach boys avaient-ils conscience de faire peu ou prou de la musique sacrée ? Oui, sûrement. S'ils sont sans saveur particulière lorsqu'ils reprennent un chant liturgique, comme "The Lord's prayer", ils parviennent à élever leurs chansons profanes aussi près que possible d'une forme de sacré. C'est là tout leur charme.
La musique des Beach Boys a l'élégance de paraître simple et limpide, cachant sa complexité derrière l'évidence des harmonies. En chantant si haut, ils "tentaient en vain de redevenir des enfants, mais une lourde pierre lestait déjà leur cheville: ils disaient adieu, les yeux pleins de larmes, à cet âge de leur vie." (Michka Assayas). La maison familiale d'Hawthorne dans laquelle les frères Wilson ont grandi entourés par la musique, a été détruite au début des années 90 pour construire une autoroute.
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