Dieu seul sait pourquoi… de l'aveu
des Beach Boys eux-mêmes, c'est à leur management que l'on doit
cette idée géniale pour presser le citron du fonds de catalogue des
papys californiens jusqu'à la dernière goutte : "nettoyer"
les bandes d'une sélection de chansons en n'en conservant que les
voix, et substituer les arrangements originels par d'autres rejoués
par le Royal Philarmonic Orchestra (RPO) – avec quelques fioritures
supplémentaires, de manière à ce qu'il y ait un semblant de valeur
ajoutée.
Dès l'inaugural "California girls", on
retrouve des sensations bizarres, comme pendant la vogue des films
noir et blanc "colorisés" et des duos posthumes (Aznavour
/ Piaf, Nathalie Cole / Nat King Cole…) dans les années 90 ;
ou celle plus contemporaine des hologrammes qui font revivre les
concerts d'Elvis ou de Claude François... soit un nouvel avatar tordu
de la manie des versions "améliorées", un révisionnisme
des souvenirs au profit d'un présent éternel et d'autant plus
contrôlable. Dans tous les titres issus de la période "Pet
sounds", il manque au son RiPOliné du RPO ce côté massif des
enregistrements originaux, conséquence collatérale des
enregistrements en prise directe, qui saisit émotionnellement à la
gorge autant que le mur de son de Phil Spector. L'amour que
l'on peut porter aux compositions de Brian Wilson se reporte sur les
exceptionnels musiciens de studio qui ont plus que contribué à leur
création ; leur absence ici ampute les chansons de leur coeur.
On croirait entendre des chansons pour génériques de fin de films
de Walt Disney… Laissez-nous Carol Kaye ! Rendez-nous Hal
Blaine !
L'enchaînement létal et contre-nature
"In my room" (énième lifting raté) / "Kokomo"
(une bouse reste une bouse, même avec une lunette de WC en or
massif) a eu raison de nous, au bout de douze titres sur dix-sept.
"The Beach boys with the RPO" n'a aucun intérêt, aucune
raison d'être : tant qu'à faire, pourquoi ne pas effacer tous
les décors de studio de "Chantons sous la pluie" (Stanley
Donen, 1952) et les remplacer par des effets 3D numériques Imax,
voire 4DX avec le siège de ciné qui t'asperge de flotte ? Ce disque
dessine en creux un futur peu désirable pour la musique pop, qui
serait upgradée de temps en temps - la musique
classique, elle, survivra tant qu'elle sera interprétée. Quand cela
adviendra, nous serons des androïdes rêvant de moutons électriques.
BEACH BOYS WITH ROYAL PHILARMONIC ORCHESTRA Fun, fun, fun (Clip 2018)