Monk's dream

Steve Lacy & Roswell Budd

par Julien Szabason le 16/02/2000

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
The Bath


Monk's dream, ou le nouveau témoignage d'une passion née il y a plus de quarante ans. Et oui, c'est en 1958 que Steve Lacy nous avait gâtés avec "Plays Thelenious Monk", avant de se consacrer entièrement, avec les musiciens de Monk d'abord, puis aux côtés de Roswell Rudd (déjà), au répertoire du pianiste fou. Quel que soit l'initiateur de ce nouvel hommage, ce plongeon dans les méandres de ces thèmes jamais évidents, constamment surprenants, est appréciable. Les deux vents se complètent bien : le saxo est fluide, frais, léger, aérien et tellement parlant lorsqu'il s'oublie ou se livre sans hésiter au free ("Koko"), le trombone lui, a parfois une allure d'instrument de cirque ("The bath"), un peu balourd, un peu pataud, à la traîne quoi. Mais il est si vivant ! On l'imagine grimacer, on l'entend créer et on se laisse ensorceler, surtout par ces deux notes simultanées aux couleurs (de cornes) tibétaines ("The rent"). John Betsch, ex-élève puis compagnon de Max Roach à la fin des 60's et au début des 70's, assure le cap rythmique de ses frappes solides. Ou s'avance sur des phrases funkys ("The rent"). La basse de notre gaulois Jean-Jacques Avenel, partenaire régulier de Lacy depuis leur rencontre en 1972, est rondement tendue et aligne les thèmes sans répit. Jusqu'à enivrer. Sur deux titres apparaît au chant la suissesse Irène Aebi, une autre vieille de la vieille (au violoncelle auprès de Lacy depuis 72 aussi). Alors là, avertissement : ne vous attendez pas à entendre du bon jazz chanté, c'est de narration qu'il s'agit. Et en suisse allemand s'il vous plaît ! Une narration version comique ou pathétique, souvent avec cette voix de tête : mal d'oreilles assuré ! Malgré ces passages et quelques envolées d'impros free plutôt intellos, on navigue entre de belles mélodies, suggérant tantôt le vol d'un papillon, la nonchalance d'un passant, tantôt le générique d'un film à fin triste ("Pannonica"). C'est toujours prenant en tout cas et de l'émotion, il y en a. Atmosphères, atmosphères...