Incongrue, décalée, iconoclaste, ou
même soupçonnée de cracher dans la soupe, quand gamine de quinze
ans au pays des yéyés, elle en adopte les codes et les ondes pour
s'en moquer, Stella était en 1965 - à notre insu - bien autre
chose.
Née Stella Zelcer, de famille immigrée polonaise,
elle est la nièce de Maurice Chorenslup, compositeur, musicien et
arrangeur de jazz. De quatorze ans son ainé, l'oncle n'attend pas
les dix ans de la gamine pour l'initier à la chanson française
(Brassens, Brel, qu'elle reprend dès l'école primaire !) et surtout
au jazz - Miles Davis, Dave Brubeck, Stan Getz... sur disques et en
concerts. Il lui apprend aussi le piano, qu'à quatorze ans (1964) la
gamine maitrise parfaitement. Pas étonnant qu'en 1972, après la
parenthèse "yéyé" qui nous intéresse ici, quand elle
croise l'halluciné batteur fondateur de Magma Christian Vander, elle
l'épouse et devienne la chanteuse du groupe. Une boucle jazz qui se
boucle.
Mais donc entre temps, Stella et Maurice, amusés
(consternés ?) par la vague yéyé, décident de s'en mêler, elle
en écrivant une tripotée de textes drôles, mordants, moqueurs et
lui, en composant les musiques, une sorte de binôme gagnant, à
l'instar du duo Dutronc avec l'écrivain Lanzmann. C'est d'ailleurs
dans la même maison Vogue, n'hébergeant que des
auteurs-compositeurs qu'ils vont éclore. Le premier EP ("Le
folklore auvergnat") rencontre le succès, ouvrant la voie à la
suite. On est en 64, elle a 14 ans.
Les (petites) chansons ne
pourraient être que de gentils amusements, mais comme celles de
Dutronc, elles ont leur charme, chantées avec le même détachement
ironique, un second degré qui les sauve du vieillissement : "je
proteste pour les Viets, contre les Congs, et les Congs ce n'est pas
ce qui manque...".
L'oncle Maurice, bien introduit
dans les studios, convoque de bons musiciens, signe des arrangements
bluesy ou rhythm & blues à la manière d'un Nino Ferrer
("Cauchemar auto-protestateur" pour se foutre d'Hugues
Aufray), quand il ne plagie pas carrément Hendrix ("L'idole des
jaunes" et sa très foxy lady guitare). Les idoles à la
mode en prennent pour leur grade, Sheila ("Le folklore
auvergnat" en réponse au "folklore américain), Vartan
("Pourquoi je chante" crûment détourné, à voir
ci-dessous), Hallyday ("L'idole des jaunes")...
Aujourd'hui
Stella Vander, qui ne fait plus partie de Magma depuis longtemps, est
une chanteuse de jazz reconnue.