| | | par Sophie Chambon le 03/03/2002
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| 1961 est l'année où Stan Getz réalise "Focus", écrit par Eddie Sauter, jalon marquant de son évolution. Mais il a décidé aussi d'enregistrer un album en petite formation, dont la section rythmique, assemblée à son retour d'Europe début 1961, est celle de Scott LaFaro. Stan Getz, ne se sentant pas près, en retarda cependant l'enregistrement, et lors de l'été, La Faro disparut tragiquement. Alors, en cet automne 1961 plus du tout précoce, avec une petite formation, assez affranchie pour jouer en confiance, composée de John Neves, Steve Kühn et Roy Haynes, le projet repart. La complémentarité entre Stan Getz et Bob Brookmeyer, les deux solistes, est indiscutable et plus qu'un enchaînement de chorus, installe une conversation complice. Émules tous deux de l'école de Kansas City, ils ont le rythme comme une de leurs préoccupations essentielles : en soulignant l'importance du beat de Roy Haynes, sur l'assise duquel la mélodie peut s'envoler, ils swinguent de bon cur dans la reprise "Nice work if you can get it", chanson immortalisée par Billie Holiday. Bob Brookmeyer, subtilement, se lie à Stan Getz dans une ballade de sa composition, tendrement désespérée, "Who could care", ou dans cet autre standard "A Nightingale sang in Berkeley Square", également très nostalgique. "Circa 61 minuet" ou un "Thump, thump, thump" plus ébouriffé mais sans rien de martelant, comme pourrait le suggérer le titre, sont encore des compositions de Bob Brookmeyer qui traduisent une option "néoclassique" (Jacques Réda) du jazz à cette époque. On écoute cet album avec un intérêt un peu distant aujourd'hui, il s'agit d'un jazz impeccable mais justement, quarante après, notre oreille semble détournée de ces rythmes lents et souples, des harmoniques raffinées de cette musique plutôt "cool". Ce disque est contemporain de l'éruption historique du "free jazz" d'Ornette Coleman, mais en aucun cas, cette musique ne se situe dans le courant des recherches ou avancées de certains. On aurait tort, cependant, de ne pas se laisser prendre par la délicatesse de ces mélodies intemporelles qui paraphent avec panache une esthétique volontairement en retrait. |
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