| | | par Hugo Catherine le 18/03/2012
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| Tout
commence comme au cinéma : "Extérieur nuit". On
entend d'abord une légère lueur sonore dans la pénombre. Mais le
son va crescendo, la sombre electronica se mue vite en rock
électrique. On s'attendrait presque à un break énergique de toms,
top-départ d'un rythme binaire effréné. Finalement, non, tout se
fond en un point d'orgue bruitiste ; un temps seulement, puisque
les musiciens reprennent le fil délicat du début de la piste, où
se perdent divers bruits, d'oiseaux, de pluie.
"Cent
chevaux", ça peut faire du bruit, c'est le cas ici. Cette
seconde piste tourne d'abord autour d'un son rauque, saturé et
répétitif, comme une pulsation. Autour, les guitares brodent,
suraigües, méga-amplifiées. De même, sur "Moisson",
Sphota choisit une structure répétitive accrocheuse, l'effet est
ravageur - un excellent riff fait monter la tension : une
basse des ténèbres, des guitares tantôt stridentes tantôt en
arpèges, un violon grinçant ; jusqu'à l'explosion. La musique
et notre écoute sont sous haute tension. Et la nuit revient -
"Extension nuit" - avec le sentiment que la nuit est
extensible jusqu'au jour, à l'infini. On s'imagine errant, libre de
tous nos mouvements, allant nulle part. Puis la nuit s'assombrit, les
orages éclatent. On en sort abasourdi, plus fort d'une expérience
extrême.
La
musique de Sphota est pleine de coups de massue sonores, de bruits
intempestifs. Ainsi "Cellule de crise" se lance sur un riff
de guitare endiablé, des applaudissements d'une foule en délire, un
orgue débridé. Si l'approche est intensément percussive (et ce
malgré l'absence de batterie ou de percussions), le groupe ne joue
pas pour autant sur la saturation des champs sonore. Chaque son
trouve sa place harmonieusement, peut prendre son envol, s'étendre,
devenir monstrueux et finalement s'éteindre : c'est un voyage
souvent haletant, notre oreille se prend au jeu.
Par
leur fil narratif plus désarticulé, certains morceaux sont certes
plus lunaires et moins accrocheurs ("Mode ancien", "A
perte de vue") mais la matière sonore est toujours aussi
intrigante. Bertrand Dupé (guitares, effets sonores), Benjamin de la
Fuente (violon, effets sonores) et Samuel Sighicelli (piano, effets
sonores) proposent un trio rafraîchissant. Il faut fermer les yeux,
se laisser balloter de bruits en bruits, s'inventer des histoires.
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