| | | par Francois Branchon le 05/09/1999
| Morceaux qui Tuent I'm a king bee Mohair Sam You can't make it
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| Slim Harpo (1924-1970) ne joue pas vraiment de rock ni de blues. Ou alors à la sauce de Louisiane, où l'âme traditionnelle doit faire un peu de place au corps et à ses "sens" : la musique est sensualité, alors elle ondule, élastique et mouvante...
Slim Harpo, précurseur de toute la vague musicale rurale des bayous, ces marais à chaleur moite, bourrés d'alligators et de polk salad, intègre country, r'n'b, soul et country-blues, et les moule dans des structures pop, à la manière d'un Bo Diddley ou d'un Johnny Otis. Il peint son pays avec des rythmiques en scie, des guitares électriques, des percussions à facettes, des harmonicas plaintifs et des voix de rocaille. Il enregistre sur le label Excello du joyeux visionnaire J. D. Miller et devient la locomotive de cet "Excello sound", qui fera connaître Lightnin' Slim, Lonesome Sundown, Lazy Lester ("I'm a lover not a fighter" repris par les Kinks), Silas Hogan, Katie Webster (future pianiste d'Otis Redding)... Tous orfèvres d'un "swamp blues" qui connaîtra en 1968 la consécration mondiale avec "Polk salad Annie" de Tony Joe White.
Bien qu'admirateur fou de Blind Lemon Jefferson dont il se réclame, Harpo est pris de haut par les puristes américains lorsque sort "I'm a king bee" en 1957 (a-t-on jamais entendu un bassiste glisser ainsi ses doigts sur les cordes ??!!). Mais Slim n'en a rien à foutre et se préoccupe avant tout "d'entertainment", préférant de loin la scène aux studios, se régalant de faire bouger son public. C'est l'Angleterre du début des 60's qui lui apporte la reconnaissance. En 1961, la ballade pop "Rainin' in my heart" (qu'auraient pu signer les Everly Brothers) entre dans les charts anglais. Ce jour-là, un bout de l'histoire du rock se décide. Cet américain noir qui déboule avec de la country, du swing, des ballades soul et de la pop dans son blues est en train de baliser la piste d'envol de toute une couvée de jeunes musiciens anglais. Dès 1964, presque tous se réfèrent à Slim Harpo et reprennent ses chansons : les Stones des deux fous de blues Jagger et Richards avec leur premier single ("I'm a king bee" justement !) et un clin d'oeil en titrant leur premier live "Got live if you wan't it" (plus tard ils reprendront "Shake your hips" sur "Exile on main street"), les grands Pretty Things ("Rainin' in my heart"), les Them ("Don't start crying now"), les Kinks ("I got love if you want it"), Dave Edmunds avec Love Sculpture ("Shake your hips") jusqu'aux Moody Blues qui choisissent leur nom d'après un de ses instrumentaux !...
Il aura fallu du temps pour se mettre sous la dent une réédition décente de Slim Harpo. Le label Excello avait déjà fait l'objet aux Usa d'une compilation Rhino en 1990 ("Sound of swamp") qui s'ouvrait magnifiquement par le "Baby scratch my back" de 1966. Cette compilation, la première du genre en France, lui rend donc justice, même si elle a des lacunes : des titres absents ("Buzz me baby", "Buzzin", "Don't start crying now", sa reprise de "Rock me baby" de BB King et Joe Josea et surtout "Shake your hips"), un livret minimal sans note de pochette, mais le préposé à la réalisation du projet n'accorde même pas d'article à Slim Harpo dans l'encyclopédie du blues qu'il a publiée (dont il n'oublie pas de faire de la pub), ceci expliquant sans doute cela.
Si vous aimez les premiers Stones (ceux de "I'm a king bee", dont ils n'avaient pas changé une virgule, de "Mona" ou de "Suzie Q"), Creedence Cleawater Revival, Bo Diddley, Tony Joe White ou même J.J. Cale ("You can't make it" ou "what's going on baby" le frôlent), Slim Harpo le roi du swamp va vous ravir et vous remonter vers la source, avec son blues bercé, constamment fluide, ses batteries discrètes, ses basses élastiques qui rebondissent, son rythme direct, plein de force, ses arrangements précis et simples (même avec des cuivres), tous alliés à la perfection à sa voix laconique, presque espiègle et son phrasé aigu d'harmonica.
Slim Harpo est plus qu'un musicien. C'est un esprit. |
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