Merriwinkle

Sidsel Endresen, Christian Wallumrød & Helge Sten

par Hugo Catherine le 06/09/2004

Note: 8.0    

Sidsel Endresen expérimente ici une phase très lunaire. En collaboration étroite avec Christian Wallumrod et épaulée par Helge Sten, elle délivre un album plutôt difficile d'accès. Merriwinkle est au parfait croisement de l'improvisation totale, de l'abstraction vocale et du souci permanent de la pureté du son. La seule issue possible pour l'auditeur est l'écoute hyper-active, quasi-contraignante de ce projet intensément artistique.

Au contact de cet ovni, l'indifférence est chassée au son des premières modulations sur onomatopées. L'étonnement face à la bizarrerie laisse immédiatement place à une série d'images sonores, nous sommes comme propulsés dans un carillon de sensations musicales ; la voix, les syllabes, la musique, les signaux, loin des normes harmoniques et vocales habituelles, fascinent par leur capacité à transcrire des atmosphères changeantes. Très vite nous sommes introduits dans une boîte à sons mystérieuse où l'appel de détresse ("Heylo") semble succéder au cri du bébé fraîchement expulsé ("Oldenwold"), avant un retour au calme passager ("Soleside"), simple prémisse à une expression de souffrance corporelle et apparemment gastrique ("Tunk").

Sidsel Endresen ne nous délivre pas les mots-clés permettant de qualifier sa musique puisqu'elle avance par phonèmes, bruitages et explorations vocales. Mais ce constant travail de la voix aboutit sur un langage affirmé des sensations ou des humeurs. Des différentes formes de sons délivrés, de la matière brute, nous pouvons extirper un sentiment, un support immatériel, imaginaire, une pensée qu'il nous est possible de retranscrire par des mots normés, dan un langage usuel : se dégage tour à tour de l'excitation, de la vitesse, de la détresse ("Heylo"), du calme, de la raison ("Soleside"), de la peur, du combat ("Wobber"), de la douceur ("Merrivein"), de la douleur ("Tunk").

Le grand intérêt de cette musique émane aussi d'une détonante mixture entre un matériau initial volontairement brut et primaire – la voix est ici employée au travers de tous ses possibles vocaux et sonores – et un support final perfectionniste. En effet, la pureté sonore de cet album est impressionnante, que cela soit au travers de la prise de son de la voix de Sidsel Endresen dont nous percevons chirurgicalement tous les soubresauts, ou de la teneur sonore des bruitages et des brouillages de Christian Wallumrod et Helge Sten. Ces sons accomplis, tantôt imperceptibles et soyeux, tantôt répétitifs et rythmés, nous propulsent dans des mondes mi-souterrains, mi-aquatiques ; ainsi nous sondons des bruits à la fois sourds et ronds au détour de cette succession déstabilisante d'improvisations.