| | | par Jérôme Florio le 20/11/2001
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| Les Etats-Unis d'Amérique sont un terreau propice à la pousse anarchique, dans l'underground, d'herbes sauvages et folles. Le terrain est un peu plus dégagé depuis que Chan Marshall (Catpower) a un peu civilisé ses manières, qu'elle a appris à ne plus systématiquement mordre la main qu'on lui tend. La jeune Shannon Wright est une autre de ces enfants sauvages, écorchée vive, qui fait de douloureux efforts pour parler le langage des hommes. Épaulée par des musiciens à la main verte (dont Joey Burns à la basse, habitué à s'occuper des cactus avec Calexico), Shannon Wright broie des idées noires et dit avec des paroles absconses sa difficulté de communiquer, d'une voix tendue et au bord de la cassure, avec un phrasé très particulier qui accroche de suite l'oreille. Comme une fleur fragile qui se referme dès qu'on l'effleure, "Hinterland" est une comptine un peu effrayante emmenée par un obsessionnel motif d'orgue, replié sur lui-même. "Foul" est une chanson à la sensualité épineuse qui n'est pas sans rappeler le meilleur Elysian Fields. On plaint sincèrement l'abeille qui viendra butiner sur la reprise de "I started a joke" des Bee Gees. Elle en repartira toute patraque, déroutée par cette réappropriation totale et toute en retenue. Six pieds sous terre, Maurice Gibb est bien content de servir d'engrais à une si belle plante. Mais toute fleur a besoin d'eau et de soleil pour vivre : si pour l'eau on fait confiance aux possibilités lacrymales de Shannon Wright, c'est en vain que pour l'instant on cherche la lumière. Mais après le sombre harmonium en introduction de "Azalea", on débouche brusquement sur une clairière à l'aveuglante clarté. Multi-instrumentiste, Shannon Wright sait aussi très bien se débrouiller toute seule : les profonds accords de piano de "Capsule of you" résonnent longtemps après l'écoute. Son songwriting encore sauvageon mais touchant a une dimension cathartique évidente. Growing up in public. "The path of least persistence" clôt le disque dans un dernier souffle : on la retrouvera avec "Hinterland" quelques mois plus tard sur l'album "Dyed in the wool", en versions électrifiées et hérissées. A moins d'y prendre garde et de la couvrir d'attentions, l'azalée, réputée difficile à garder, risque de faner et de se flétrir. Sous la douce fragrance s'immisce une odeur de pourriture. "Perishable goods" est un court disque-fleur aux chansons-pétales de charbon. On l'aura effeuillé pour découvrir qu'on l'aime un peu... beaucoup... passionnément. Pas la peine d'attendre le mois d'avril : appuyez sur le bouton "Play" de votre stéréo pour une nouvelle et miraculeuse floraison. |
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