En ce 4 décembre 1988, Roy Orbison a de quoi être heureux. Après une quinzaine d'années chaotiques sur le plan personnel et artistique, le Roy qui a longtemps vécu dans l'ombre du King Elvis se voit célébré par ses pairs et connaît un retour de flamme inespéré. Sa chanson "In dreams" figure dans une scène marquante du film "Blue velvet" (David Lynch, 1986) ; il enregistre avec de vieilles gloires (Bob Dylan, Tom Petty, George Harrison...) le premier disque des Traveling Wilburys (1988), qui connaît le succès ; enfin son nouveau disque "Mistery girl" (produit par Jeff Lynne) est prêt à être distribué. Orbison ne profitera pas de la réussite du single "You got it", car il décèdera deux jours après ce concert capté à Akron.
La sélection a des allures de best-of : "Only the lonely", "In dreams", "Crying", "Pretty woman"... La voix de Roy Orbison est superbe – un larynx tapissé de velours... Mais la musique, Dieu quelle horreur ! On croirait entendre des versions karaoké, avec tous ces tics des productions eighties : guitares Fm gavées d'effet chorus et des synthés d'une ringardise achevée (le son de "Jump" de Van Halen). Cela accentue le côté kitsch, déjà présent sur les versions originales, de "Leah", "In dreams" ou "Candyman". Tout sonne en toc : les choristes, les deux (!) solos de guitare sur "Ooby dooby" transformé en rock de baloche, le tom de batterie désaccordé sur "Crying" avec ce double final de mauvais goût. Aux deux tiers du concert, les musicos prennent le pouvoir et s'embourbent dans des interventions toutes plus moches les unes que les autres... En rappel, "Pretty woman" jouée sobrement malgré une intro loupée sauve l'honneur.
Il faut dire que la qualité de la captation, très fade, sans relief, n'aide pas. Roy Orbison semble survoler tout cela avec une élégance princière, déjà ailleurs. Pour avoir un document valable de sa dernière période, il faut écouter le très bon "Mystery girl" (1989, sortie posthume) et aussi l'excellent "Roy Orbison and friends, a black and white night" (1988).