Morceaux qui Tuent Let the rodeo begin Little Suzie Warming by the devil's fire What is the present moment
Une gueule à la Shuggie Otis, une voix traînaillante à la McGuinn, et "Warming by the devil's fire", première plage qui remonte le temps jusqu'aux Byrds seventies, avec ces racines folk, country, rock, blues entremêlées, et les mots qui tanguent de concert...
Des morceaux à mélodie aguicheuse comme celui-ci, qui iraient comme des gants à des albums fantasmés de Dylan, "City lights" en regorge (le subtil "What is the present moment", "Beyond the river", "Let the rodeo begin" et son orgue Hammond...) mais il faut d'abord se remettre de "Little Suzie", deuxième plage qui affole la boussole, ressuscite Bo Diddley, et voilà qu'on chope soudain la dingue, le jeu de jambes du Bo sur grand écran, trois minutes de joie mécaniquement béate. Mais qui est donc ce Ron Franklin...?
Renseignements pris, le jeune (?) homme n'est pas un poulet de l'année. Il joue avec The Natural Kicks, avec le combo d'Austin The South Filthy et le groupe indie-pop Mouserocket. Il avait été contacté par Arthur Lee pour co-fonder un "Love du Tennessee", et sous son seul nom, a publié neuf albums en sept ans (!) "City lights" étant le premier véritablement signé et promotionné par un label sérieux (Memphis International Records), par ricochet le premier exporté.
La vie de Franklin n'est pas ordinaire non plus. A l'adolescence il quittait son Sud le week-end pour aller jouer (harmonica ou guitare) dans les clubs de blues de Chicago, et déjà enfant, ses principes d'éducation étaient définis : "Je me faisais chier à l'école. Avec un pote on séchait les cours et on fonçait chez lui écouter les vinyles de ses parents. Un jour en vingt minutes on a découvert trois versions de "Statesboro blues", par les Allman Brothers, Taj Mahal et Blind Willie McTell !! Ce jour-là on a eu l'impression d'avoir vraiment appris quelque chose !!". Rien à ajouter.
"City lights" offre ses douze titres, présentés face A/face B comme au siècle dernier. La musique est sobre, sans opulence mais en version grand large, respirant à fond les espaces. On y entend de tout, de part et d'autre du sillon dylanien, le plus folk ("How free will i be this Morning", "Lula wall") comme le plus blues ("Black lightnin'", "That'll never happen no more" de Blind Blake popularisé en son temps par Hot Tuna), un hommage à Chuck Berry (reprise de "Thirty days"), un "Gloryland" en salade niçoise du tout, et des beats catchy, de la guitare, de la mandoline, de la pedal steel, de la basse et de la batterie, et encore des maracas, de l'orgue, du piano... et cette voix touchante et pleine de soul de Tom Petty boisé.
Un album réalisé avec ses potes, souvent de vieux briscards déjantés, rockers iconoclastes pur sucre - Scott Bomar ou Ross Johnson son batteur, un ex des Panther Burns de Tav Falco. Cet été aux Usa, Ron Franklin ouvrait pour Jonathan Richman, un cousin en ovnitude.
Un album idéal pour les routes aux grands virages sous les grands sapins, un album qui a déjà tout d'un classique.
Deux extraits live en solitaire en 2006 (titres extraits d'un précédent album) RON FRANKLIN The elocutionist (Live)