Lorsque parait en 1979 le premier album de Rickie Lee Jones, il suffisait au disquaire que j'étais de le passer dans le magasin pour voir une dizaine de personnes désirer l'acheter. "Rickie Lee Jones", album éponyme, nommé depuis "le béret", fit un carton immédiat, aux Etats-Unis comme en Europe. Funky et cossu à la fois, il consacrait une des premières chanteuses blanches du genre, supplantant à la même époque une Joni Mitchell déjà jazzy, mais qui s'éloignait vers des contrées sophistiquées nettement moins accessibles.
Les deux hommes à la manoeuvre étaient les producteurs Russ Titelmann (Little Feat, Randy Newman, Ry Cooder...) et Lenny Waronker (Beau Brummels, Harpers Bizarre, Gordon Lightfoot...). L'un (LW) avait entendu Jones dans un club et avait convaincu l'autre (RT) de traverser les Usa pour la signer et la produire ensemble. Ce qui fut fait et bien fait. Titelmann avait en tête depuis lors que Jones pouvait être une parfaite be bopper, sans toutefois parvenir à la convaincre, "pas prête" disait-elle.
La chose voit le jour aujourd'hui. "The duchess of Coolsville" est un album intimiste, jazz alangui strié par les vocaux doux mais vite écorchés dès qu'elle monte le volume - on n'a pas à 70 ans la voix de ses 25 ans. Elle est parfaitement soutenue par des musiciens vieux briscards choisis par Titelsmann : Rob Mounsey (piano), Russell Malone (guitare), Mark McLean (batterie), une section discrète de cuivres et surtout la guitare acoustique de Jon Herington et le vibraphone enveloppant de Mika Mainieri. Un parfait album de soirée, entièrement de reprises, qui même si assez varié laisse s'installer une monotonie.