En regard de la popularité et du
nombre de succès qu'a connus Richard Anthony au fil des sixties
(deuxième plus gros vendeur derrière Hallyday), on peut s'étonner
que le catalogue de ses œuvres soit à ce point négligé par sa
maison de disques d'origine (Pathé Marconi, devenue EMI), dont on
attendrait, en reconnaissance du paquet de fric engrangé alors, une
reconnaissance du ventre minimale. Mais les marchands ont leurs
logiques, et faut bien admettre que si Hallyday a conservé une masse
énorme de fans assez benêts pour racheter la moindre réédition
repackagée une dixième fois, ceux de Richard Anthony sont nettement
plus discrets. Faut bien aussi constater avec le temps, une sorte de
mépris institutionnalisé à l'égard du chanteur de la part des
exégètes de tous poils (ceux qui surgissent opportunément dans les
média au moment des décès), le (dis)qualifiant aujourd'hui sous
l'étiquette de "Tino Rossi" du rock.
J'ai toujours aimé Richard Anthony,
pour son feeling anglo-saxon des bonnes chansons à reprendre, des
bons studios et des bons arrangeurs (Ivor Raymonde) pour les
enregistrer. Et j'ai toujours détesté Tino Rossi.
Il faut donc compter sur le travail
d'archiviste de petits labels indépendants (Magic en particulier)
pour voir rééditées des chansons indissociables des années Salut
Les Copains. Il leur manquait une sélection visuelle. C'est chose
faite avec cette production de Marianne Mélodie issue des archives
de l'INA, mises en forme par Michel Poulain (un ex de Salut les
Copains) et rassemblant une collection impressionnante de passages
télé (près d’une cinquantaine).
Authentique pionnier du rock en France
(avec Danyel Gérard), deux ans avant Hallyday, Anthony inaugure la
télévision française dès 1959, puis participe à tout ce que
l'ORTF a proposé comme émissions de "variétés"
(Palmarès des chansons, Douce France, Domino, Télé dimanche...) ou
spécifiquement dédiés aux jeunes (Age tendre et tête de bois,
Rendez-vous sur le Rhin...). Ajoutons les Scopitones et quelques
passages filmés sur scène à l'occasion des Galas aux Étoiles que
produisait Europe No1. Autant de matériel sonore et visuel dont
Michel Poulain disposait pour proposer un panorama extrêmement riche
et varié, sans faire l'impasse sur sa période "rame" du
milieu des 70's ("Tu es ma chance" croonerie à
brushing et col pelle a tarte en satin noir, on passe vite...) ni sur
cet improbable retour de1982, "Mes années 60", fruit de
deux ans à Los Angeles en collaboration avec l'écrivain Pierre Rey,
chantée en direct dans l'émission de midi de Philippe Bouvard.
Il serait fastidieux de tout lister et
commenter, notamment sur les années soixante, auxquelles cette
sélection fait la part belle. Citons juste pêle-mêle, le scopitone
de "Nouvelle vague" en MG (1959), son premier passage télé
avec "La rue des cœurs perdus" (1959) présenté par le
très populaire Georges Descrières (document !!), plusieurs versions
de "A présent tu peux t'en aller" (en 1962, 64 et 65),
"J'irai twister le blues" filmé sur scène en 63 (probable
tournée avec Jocelyne et Claude Ciari), "Et après" dans
une émission de Drucker (déjà !!) de 67, écrite, présentée et
accompagnée à la guitare par Salvatore Adamo, "Au revoir mon
amour" en 65, titre londonien produit par Ivor Raymonde, chanté
en primeur pour Age tendre, "Neige" (1971), accompagnée
par Albert Raisner à l'harmonica, ou mieux, invitant les jazzmen
Pierre Cullaz, Maurice Vander et Christian Chevalier, toujours chez
Raisner, pour l'accompagner sur "Avec une poignée de terre"
en 1962 (à voir ci-dessous).
Au total, près de cinquante chansons
sont proposées. Tout amateur de Richard Anthony ne pourra
qu'apprécier.
RICHARD ANTHONY La corde au cou (TV 1964)
RICHARD ANTHONY Avec une poignée de terre (Live 1962 Age tendre)