On mesure chaque nouveau disque de Randy Newman au degré de raffinement et de sarcasme qu'il déploie, et au plaisir gourmand qu'il suscite : "Harps and angels" ne déroge pas à la règle.
Dix ans après "Bad love", l'Américain s'adjoint à nouveau Mitchell Froom à la production : mise en sons parfaite, tous les timbres des instruments sonnent naturellement, et il faut bien cela pour rendre justice au talent d'arrangeur de Randy Newman. Ce dernier aura tâté de tout, de la chanson très orchestrée au "concept-album" ("Faust"), et depuis les années 90 beaucoup de musiques de films - de l'artillerie lourde, mais de l'"entertainment" d'une certaine tenue, principalement des comédies ou des films d'animation pour enfants ("Monstres & cie", "Cars"...). D'ailleurs, à l'image d'un Neil Young dans un tout autre genre, Newman n'a jamais perdu cette voix cassée et enfantine de vilain petit canard : il nous met instantanément dans sa poche, prêts à rire et se moquer avec lui du monde qui l'entoure, notamment d'une Amérique totalement à la ramasse ("A piece of the pie"). Et sans s'oublier au passage, la vieillesse amenant son lot de contrariétés (cardiaques dans "Harps and angels", la mémoire sur "Potholes"). La musique est fondante, un creuset de jazz old-school, ragtime, cha-cha-cha, enfin de musiques surannées et pas amplifiées d'avant le rock, qui évoquent depuis toujours l'enfance de leur auteur. Mais aussi des tragédies plus récentes : quand on entend ce jazz Nouvelle Orléans concocté avec amour, comment ne pas penser que Randy Newman n'a pas été touché par la catastrophe de l'ouragan Katrina ?
Newman manie comme personne la vacherie avec élégance et légèreté, et les pincements au coeur sont rendus encore plus sensibles avec l'âge ("Feels like home") : "Harps and Angels" soutient la comparaison avec le meilleur de son oeuvre.
RANDY NEWMAN Feels like home (Harps and angels promo 2008)