| | | par Sophie Chambon le 19/11/2008
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| La maison d'édition marseillaise Le Mot et le Reste a donné sa confiance à Philippe Robert (Les Inrockuptibles, Mouvement, Vibrations, Jazz Magazine...) pour servir de guide dans un parcours atypique du rock et de la pop. Sélectionner 140 titres est une mission délibérément impossible, mais l'angle d'attaque choisi permet de dresser une carte en empruntant des itinéraires bis, des chemins de traverse, des voies plus marginales, plus "underground". On l’aura compris, pas de Rolling Stones ici, ni de Pink Floyd pas plus que de Beatles, mais une autre histoire, moins glorieuse et surtout moins récupérée par l’industrie discographique, dont les choix, classés par ordre alphabétique, couvrent une période de quarante ans, de 1965 à 2005.
Avec des mises en perspective sur une page d'un disque (c'est l'âge d'or du LP) et d'un groupe, c'est l'un des plaisirs de ce livre que de revenir sur l'histoire et la sociologie de ces décennies brillantes et contrastées. La réalité et les préoccupations de l'époque"nvahissent le décor, mais la musique est au centre d'une aventure intense, souvent personnelle et surtout rebelle. Sans que cela ne devienne un alibi. Une fois admis le postulat de départ, on se laisse conduire, même si le non "mélomane rock" sera loin de connaître tous les musiciens cités : Jan Dukes de Grey, Bert Jansch, John Martyn, Towns van Zandt, Ash Ra Tempel, Vashti Bunyan, James White and the Blacks... Au demeurant, il n'y a pas que des inconnus dans cette anthologie : très vite se détachent des bizarres, des déjantés qui firent aussi parler d'eux depuis les lisières où ils s'étaient réfugiés : le très surestimé David Axelrod, Steely Dan, Todd Rundgren, Van der Graaf Generator, Can... En feuilletant cette bible, on retrouve quand même des noms familiers (Creedence Clearwater Revival...) et des univers inoubliables avec des albums emblématiques : "Starless and bible black" de King Crimson, "On the beach" de Neil Young (on aurait préféré le formidablement désespéré "Tonight the night" mais Philippe Robert le cite par ailleurs), l'incontournable "Rock bottom" de Robert Wyatt, le "Kobaïa" de Magma, "Naked city" du saxophoniste militant John Zorn, un must de tous les amateurs – et ils sont légion – de l'insolent saxophoniste juif new yorkais. On a même le plaisir (très personnel) de voir resurgir le nom de certaines musiciennes, des femmes qui ont contribué aussi à la richesse de ces années là : Joni Mitchell, Annette Peacock, Julie Driscoll-Tippetts, Linda Perhacs, Laura Nyro, Buffy Ste Marie (dont on avait aimé, ado, la BO de "Strawberry statement"). On aura compris que cette sélection s'adresse à ceux qui aiment vraiment, les authentiques fans, les allumés de la première heure, et surtout pas à ceux qui se laissent porter par le courant et acceptent encore de se laisser parquer dans des stades, à des tarifs exorbitants, pour singer les contorsions navrantes de vieilles idoles décrépites.
Cet ouvrage est plus que nécessaire pour comprendre autrement l'un des plus formidables mouvements musicaux du vingtième siècle, et finalement reconstituer certains liens, faire que les marges rejoignent aussi leur centre. Relier en fait les électrons libres aux groupes non cités volontairement, les stars souvent récupérées mais qui n'ont pas hésité à se brûler les ailes, les Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, Keith Moon, Brian Jones…
Préface sensible de Gilles Tordjmann, belle bibliographie. Bref une anthologie recommendable en tous points.
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