| | | par Francois Branchon le 15/03/2009
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| Quatre Cd ne sont pas de trop pour réaliser cette anthologie de Peter Green, passage en revue - pour la première fois - d'une carrière débutée au sein des Peter B's Looner's, passée par le remplacement de Clapton au sein des Bluesbreakers de John Mayall, la formation et l'avènement de Fleetwood Mac, la réapparition en solo après un trou noir jusqu'au Splinter Group actuel. Une carrière en forme d'ascension irrésistible et de descente aux enfers, puis de renaissance. Peter Green c'est évidemment le blues, avec lequel il semble né, une voix, en prise directe et profonde sur les sentiments, une guitare Gibson (Les Paul le plus souvent), et enfin une attitude, altruiste et généreuse.
Et ce cocktail fut de la dynamite, car mine de rien, entre 1968 et 1970, Fleetwood Mac délogea régulièrement les Beatles des hit-parades, aux Usa comme en Angleterre. Notamment avec "Then play on", un album pas calibré pour les tubes, mais fondateur d'un "acide-blues-pop" qui vint à point nommé apporter un contrepoint parfait, apaisé, doux même si très mélancolique, aux fureurs d'Hendrix et des Cream. Une musique en telle phase avec les gens, qu'un instrumental aussi long qu'improbable, "Oh well" (passages parlés, riffs de guitare heavy, intermèdes flamenco...) finira numéro 2 en Angleterre. Car si Green "était" le blues, il souhaitait aussi, au contraire d'un John Mayall encore assez académique, s'affranchir des contraignantes éternelles douze mesures. Le départ des Bluesbreakers et la formation de Fleetwood Mac répondaient à ce désir : ajouter deux guitares (Jeremy Spencer et Danny Kirwan) pour inventer des combinaisons à trois, des solos à deux (une recette copiée plus tard avec éclat par Duane Allman et Dicky Betts des Allman Brothers ou Andy Powell et Glen Turner de Wishbone Ash), créer ainsi des morceaux pétris de blues mais au parfum différent : la très latino "Black magic woman" (qui fera le bonheur - et une partie de la gloire - de Carlos Santana), "Albatross", "Oh well" déjà mentionné.
Le premier Cd est consacré aux Bluesbreakers de Mayall, deux autres à Fleetwood Mac, la fin du troisième fait une petite place (anthologie oblige) à la
triste et fadasse période solo des années soixante-dix et quatre-vingt, le dernier enfin est dévolu à son Splinter Group actuel. Et l'écoute intégrale, la progression dans le temps vers la période contemporaine est cruelle, laissant le
sentiment mitigé de soulagement et de regrets mêlés. Bien sûr, sauvé du
terrible trou noir des années 70 et 80 (et ses affligeants albums à
oublier), Peter Green a le blues qui lui irrigue à nouveau les veines, mais il
ne transcende plus grand chose. Et la voix ! Cette voix incroyable qui
semble tue à jamais, et qu'ici, "Need your love so bad" de Little
Willie John (single de 1968) ou "Show-biz blues" (album "Then play on") permettent de
mesurer, de ressentir l'inégalé pouvoir de tristesse et de désespoir,
le "blues"...
Le coffret offre son lot de raretés - "Don't goof with the spook", "The answer" et "Homage to the God of light" extraits de l'album "The answer" de Peter Barden en 1970, disque semi-culte de psychédélisme progressif où Green pour raisons contractuelles tenait la guitare sans être crédité, une version décoiffante de "The green manalishi", une part belle accordée aux duos avec les bluesmen américains (période "Fleetwood Mac in Chicago") et au fameux "Then play on" (le dernier album avant son départ de Fleetwood Mac qui scellera la fin de la première vie du groupe, mais ceci est une autre histoire), ou une étonnante reprise ambient-dub de "Albatross" en duo en 2002 avec Chris Coco, DJ à la BBC. Mais on y note aussi des absences regrettables, "Out of reach" ou "Double trouble" avec Mayall, "Like crying" ou "Coming your way" de "Then play on", "A fool no more"... comme l'impasse sur "The end of the game", son fulgurant album solo post Fleetwood Mac (et Immortel Sefronien).
Cette anthologie bien fournie (soixante-quatre morceaux), au livret bien documenté est cependant une réussite.
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