| | | par Francois Branchon le 31/03/2004
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| Comme un secret défense déclassifié après un nombre conséquent d'années, cet album solo à l'histoire étrange se voit réédité aujourd'hui après que Paul Simon ait pris soin de cacher son existence pendant quarante ans.
Quelques mois après léchec commercial de "Wednesday morning 3 a.m", premier album du duo avec Art Garfunkel, Paul Simon part en Angleterre jouer au beatnik (rôle de composition) gratteur de guitare dans les coffee-shops londoniennes. Pour les besoins d'un reportage sur la jeunesse américaine (les campus commencent à frissonner) la BBC souhaite enregistrer proprement les chansons qu'il joue le soir aux terrasses, et elle colle Simon une demi-journée dans un studio de la CBS anglaise, et là, avec deux producteurs maison et pour seul accompagnement sa guitare, il met en boite douze chansons, d'une traite, en une seule prise. Des versions à l'allure forcément spartiate, quasi minimalistes, de titres alors quasi inconnus, mais tous aujourd'hui classiques.
Uniquement paru en Angleterre en 1965, "The Paul Simon songbook" est l'exemple parfait de ce quon peut faire avec juste une voix et une guitare, quand l'intensité et les tripes compensent l'urgence et la dèche. Et on se demande bien pourquoi Paul Simon a détesté cet album, car il sen sort plutôt bien, sans chichi ni affect, allant parfois jusqu'à l'écorché vif (I am a rock, "A church is burning"). Il chante avec une belle conviction, révélant par exemple de son universel "Sounds of silence" tout le côté pessimiste. "A simple desultory philippic", morceau hommage à Kerouac et à la Beat Generation qui sortira en 66 lui permet une imitation du Dylan des débuts quasi parfaite. "Patterns" en fait l'égal des Jansch ou Renbourn, avec "Leaves that are green" ou "April come she will" il montre sa science du picking et frôle littéralement l'apesanteur sur "A most peculiar man" ou "Kathy's song" (c'est d'ailleurs Kathy qui figure sur la pochette)...
Restent deux curiosités : l'absence inexplicable de "Scarborough Fair canticle", morceau emprunté au folklore anglais du 16ème siècle qu'il jouait dans les coffee shops (et futur pilier de l'album "Parsley, sage rosemary and thyme" de 1966, comme de la BO du "Lauréat" en 68) et une petite merveille, "The side of a hill", morceau tout aussi inexplicablement resté sans suite, (sauf à considérer sa mélodie comme le contrepoint de la future "Scarborough Fair").
Le côté bricolage de la production a cependant ses limites, le disque est un peu trop monocorde pour tenir la distance (Paul Simon n'est tout de même pas le Dylan de "Freewheeling" !), sans parler de la production, trop métallique et sans distance pour ne pas agacer. Mais le veto de Simon à la publication de cet album aux États-Unis se justifiait-il ? Il lui donne une profondeur que la propreté de son duo avec Garfunkel voilait quelque peu et il rend justice de manière plutôt éclatante à ses compositions, qui prouvent que sans arrangements elles savent se tenir bien debout. |
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