| | | par Francois Branchon le 31/08/2005
| Morceaux qui Tuent Mama's got a friend Your children sleep good tonight Went to Hermes Government lied Didn't know much about education Hookers in the street
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| Tiens autrefois, un groupe s'appelait Katrina and the Waves ! Aujourd'hui à la Nouvelle-Orléans, 1er septembre 2005, on sait que les vraies vagues de l'ouragan Katrina ont rayé de la carte les caves à musique, les bouges improbables empestant le gumbo, les antres à vaudou, les Dr John occasionnels de coins de rue, les fontaines à rhum... Archétype du melting pot (français, cajun, noir, blanc, jaune...) la ville, hors ses circuits classiques de fanfares à touristes, suait la musique comme une transe. Et comme une coïncidence le dernier Otis Taylor ne cesse de tourner sur la platine depuis une semaine...
Taylor n'est pas une star, il a toujours fui lorsque la situation l'emmerdait, ça n'arrange pas la construction d'une popularité. Et il n'est même pas de New Orleans... Son premier groupe date de 1964 à Denver Colorado sa ville natale, on le retrouve en Angleterre en 69 signé par Mike Vernon du label Blue Horizon, un disque est enregistré mais ne sort pas (conflit avec l'arrangeur), puis un combo nait, T&O Short Line, avec Tommy Bolin (futur Deep Purple). En 1977 il tire sa révérence et devient antiquaire à Denver. Plus de musique, sauf avec des potes, à la maison. Il attendra 1995 pour reformer un groupe, signe sur un petit label, Northern Blues Music et parvient, sans concession, à enfin être reconnu, et avec les albums à venir ("Blue eyed monster", "When negroes walked the earth" et surtout "White african" en 2001 et "Respect the dead" en 2002) Taylor va gagner le surnom de Malcolm X du blues, toujours revendicatif, toujours du côté des plus pauvres, qu'ils soient noirs ou qu'ils soient blancs.
Derrière une pochette qui ne paye pas de mine, le disque est un long fleuve hypnotique, une transe sur laquelle tous les instruments se calquent, se faisant rythmiques chacun leur tour (il n'y a pas de batterie ni de percussions), le banjo ("Feel like lightning"), le violon cajun ("Your children sleep good tonight" adressé aux Rockefeller), l'orgue, les guitares ("Hookers in the street", "Mama's got a friend", "Didn't know much about education"), la basse ("Night side of heaven"), et bien sûr la voix. Taylor chante comme s'il psalmodiait ses visions ("Boy plays mandolin", "Your children sleep good tonight", "Didn't know much about education"), avouait ses péchés dans un confessionnal en pleine rue ("Feel like lightning", "Mama's got a friend"). Seule la trompette vient faire sa Miles de temps en temps ("Boy plays mandolin"), et, lorsqu'au beau milieu de l'album, comme un entracte, sa fille Cassie chante "Working for the Pullman company" (que semble d'ailleurs avoir pompé l'agaçante Camille pour son tube du moment) le guitariste Futoshi Morioka se prend des airs de Jerry Garcia redescendu sur terre.
Il y a du monde dans l'ADN de Otis Taylor, Mississippi John Hurt, Bo Diddley, Dr John, l'Afrique, John Lee Hooker, tous synonymes d'harmonies simples, de rythmiques directes ou en boucles, auxquelles Taylor ajoute une touche "country twang" inimitable à la Tony Joe White ("Went to Hermes", "Government lied"). Plus étrange peut-être, par delà les cultures, ce cousinage avec des musiciens répétitifs classiques : "Government lied" aux lignes obsessionnelles de violon et de violoncelle ne déparerait pas auprès du "Multiple 12" de Wim Mertens...
Ni rural, ni urbain, transcendant l'espace, le temps, les genres, intense, homme à message, Otis Taylor a réussi un album qui permet d'ignorer toutes ces considérations : il suffit d'écouter, puis tranquillement se laisser posséder. "Soul deep". |
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