Morceaux qui Tuent Your past life as a blast Show yourself Wake and be fine
Okkervil River ose un disque volontairement disparate, un exercice des plus difficiles : enregistré sur une assez longue période, dans plusieurs studios, "I am very far" prend courageusement ses distances avec l'americana enlevée et à la conviction contagieuse qui constitue la marque de fabrique du groupe de Will Sheff.
La verve héroïque est réduite à la portion congrue : "Rider", et sans la facilité des cuivres. Pour le reste, c'est du rock battu froid, à commencer par le martelage un peu inquiétant de "The valley" et ses cordes qui soulignent une mélodie volontairement absente de la logorrhée verbale du très littéraire Will. "Piratess", presque un hululement froid et distancié à la Bowie, ne fait rien pour remettre le disque au milieu de la route. La section rythmique est en avant, les guitares loin en retrait. Avec ses parti-pris différents pour chaque titre, "I am very far" peut aussi se lire comme une mise à distance de l'auditeur, qui apprend à y trouver un plaisir pas immédiat, un peu abstrait. Il est souvent question de sang, voire de violence, dans les textes de Sheff, de plus en plus libre d'enchaîner des images cinglantes aux significations ouvertes. On glane des phrases au romantisme brûlant ("Will you stand up tall and be my shelter ?") ; on passe sans transition de la longue et mystérieusement mélancolique "Lay of the last survivor" à " White shadow waltz", épique, aux accents de Arcade Fire ; "We need a myth" frôle l'épuisement. Puis tout à coup, le disque trouve son unité, et réserve ses meilleures étapes pour la fin d'un voyage qui aura ressemblé à une errance : "Show yourself", avec sa rythmique marquée mais enveloppante, ses arpèges de guitare classique et une guitare électrique qui ne se pointe qu'en pointillés au refrain - un très bel exercice de production. Enfin "Your past life as a blast" toujours versant rage froide, puis un "Wake up and be fine" volontaire.
"I am very far" est un disque long en bouche, dont la générosité ne se dévoile que peu à peu, mais qui vibre à chaque instant. Will Sheff nous fait partager ses visions depuis l'intérieur de l'imagerie et du mythe du rock'n roll.