"Whatever" de Oasis ? C’est lui (les frères Gallagher, condamnés pour plagiat de "How sweet to be an idiot"). "Always look at the bright side of life”, chanson de fin du film des Monty Python "La vie de Brian" (1979), c’est lui aussi. En 1973, celui que l’on a surnommé "le septième Monty Python" publie un premier disque sous son nom, à la fois personnel et pastiche de pop-rock parfaitement ciselé.
Neil Innes, né à Danbury en 1944, connaît tout d'abord une petite notoriété avec le groupe arty The Bonzo Dog Doo Dah Band, dont la musique a attiré l’attention des Beatles : ces derniers les invitent dans leur show TV "Magical mystery tour" (1967) pour y jouer l’étrange" Death cab for cutie" (qui a donné son nom au groupe américain de Ben Gibbard), genre de moquerie rock’n roll au ralenti. En 1968, ils décrochent un succès avec "I’m the urban spaceman" composé par Innes et produit par Paul McCartney sous (et peut-être pas que) pseudonyme. La même année, Neil Innes sympathise avec les Monty Python et participera par la suite à leurs sketches, spectacles, ou films (le rôle du barde qui narre les piteux exploits de Sir Robin dans "Sacré Graal", 1975). Associé au Python Eric Idle, il monte en 1976 The Rutles, pour un très bon disque pastiche des Beatles et un rockumentaire devenu culte. George Harrison était fan.
L’attrait pour l’humour et la parodie – deux goûts assez méprisés dans la pop music - ne doivent pas occulter le talent de mélodiste de Neil Innes. "How sweet to be an idiot", le premier disque sous son nom qui paraît en 1973, peut évoquer l’esprit acéré d’un Randy Newman qui serait tombé dans la marmite rock’n roll plutôt que dans celle du jazz ragtime. La voix de Neil le rapproche aussi de John Lennon (dont il incarne l’équivalent dans les Rutles sous le nom de Ron Nasty) ou bien de Harry Nilsson ; sur les titres bonus de cette réédition on sent d'ailleurs des influences américaines ("Lie down and be counted"). Accompagné par d’excellents musiciens (la guitare de Andy Roberts rappelle celle de Nils Cline de Wilco sur "Immortal invisible"), Neil Innes s'amuse à passer du rock n’roll vintage ("Momma B") à ses dérivés glam ou boogie ("Topless a go-go"). L'humour de Harry Nilsson ( "Oo-chucka-a-mao-mao") le dispute à une roucoulade surannée en français ("L’amour perdu"), des balades sous influence John Lennon à de la pop dadaïste (le bonus "What noise annoys a noisy oyster")…
Neil Innes, décédé fin 2019, artiste versatile et amoureux authentique de la musique pop, était un vrai ennemi du confinement des genres.