Slipping on roads

Neil Halstead

par Vincent Théval le 03/05/2002

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Driving with Bert
Hi-lo and inbetween
See you on rooftops


Les 'shoegazers', le front barré par une imposante masse de cheveux, penchés sur leurs guitares, s'abîmaient dans la contemplation de leurs pieds chaussés. D'où leur nom. Neil Halstead était à la tête de Slowdive, fer de lance de ce mouvement noisy pop du début des années 90. Séparé depuis belle lurette, depuis que la pop anglaise s'est fait raccourcir cheveux et murs de guitares, Slowdive s'est réincarné en 1996 en Mojave 3. Une étrange métamorphose qui les voyait aborder un folk mélancolique grandi à l'ombre de Dylan. Livré à lui-même, Neil Halstead change une nouvelle fois son fusil d'épaule avec un disque délicieux, troublante réminiscence de Nick Drake. Pour autant, "Sleeping on roads" échappe au revival folk qui fait rage en Europe du Nord avec les très jeunes Ben & Jason ou les Kings of Convenience, qui chaque soir que Dieu fait brûlent un cierge à Simon et Garfunkel avant de se coucher et de rêver de Beth Orton. Neil Halstead a l'expérience et la fluidité d'écriture qui lui permettent de dépasser ces horizons juvéniles. D'abord, on pourrait dresser la liste des instruments présents ici : guitare, basse, batterie, trompette, claviers, percussions, banjo, violoncelle, orgue Hammond et glockenspiel. De quoi garnir un édredon confortable sur lequel Neil Halstead n'a plus qu'à poser une émouvante voix douce. Ensuite, il faut signaler la présence de Mark van Hoen, grand sorcier de la pop électronique vaporeuse qui présida en son temps aux destinées de Locust et Scala. Il apporte la petite touche électronique et les grandes idées de production : "Seasons" se clôt sur un mur du son champêtre (une haie du son ?) saturé de glockenspiel, trompette et synthés. Quelques blip-blip viennent agrémenter le dépouillement de la splendide "Hi-lo and inbetween". Avec ce traitement élégant, "See you on rooftops" devient un petit tube, concentré de pop lumineuse, envolées de cordes et synthés 'intersidérants' à l'appui. Pas d'esbroufe cependant, "Martha's mantra" est tellement dépouillée qu'on entend le souffle du micro. Exemple parfait de cette intelligence de production, on y entend un fond musical minimaliste, comme passé sur un vieux poste dans la pièce où chante Neil Halstead. Une fausse simplicité donc, à l'image des neuf chansons qui composent "Sleeping on roads", merveilleusement écrites, avec grâce et élégance. Difficile à croire, mais c'est un ex 'noisy popeux' chevelu repenti ('moisi pompeux' nous suggère même notre correcteur orthographique Word) qui sort en 2002 l'un des plus touchants disques de folk, construisant un pont inédit entre Nick Drake et Bob Dylan, entre une pop romantique et luxuriante et un folk ascétique.