Soundtracks vol.2

Naïm Amor

par Jérôme Florio le 01/10/2004

Note: 7.0    

Depuis 1997 et son déménagement de Paris vers Tucson, Arizona, Naïm Amor a mené de front différents projets : Amor Belhom Duo avec son compagnon d'exil Thomas Belhom pour quatre disques, dont un avec Calexico sous le pseudonyme ABBC (2000) ; puis en solo avec "Soundtracks vol.1" (2001) et ce présent deuxième volume, en attendant bientôt un disque "chanté" produit par John Parish (un proche de P.J. Harvey ).

"Soundtracks vol.2" est une collection d'instrumentaux qui musardent sans impératif d'aucune sorte, presque des croquis détaillés, assez courts, qui tentent de fixer en quelques traits une impression, ou un état d'esprit. Des cactus à la taille de bonsaïs. A la place de crayon et de papier, Amor se sert d'un lasso: aller vivre à Tucson, c'est sans doute assouvir une envie d'Amérique, et de musique - cette ville est l'occasion de croiser de nombreux musiciens, plus ou moins proches de l'active nébuleuse autour de Howe Gelb, Joey Burns, et John Convertino (Giant Sand, Calexico) qui tient la batterie sur un "Breakfast at Datura" aux airs de "Ford Mustang" de Serge Gainsbourg.

Selon ses dires, Naïm Amor a voulu faire un album "fun" : pas vraiment déluré, plutôt un demi-sourire entre appel du large et mélancolie (l'harmonica nostalgique de "When they were happy"). Là où il s'amuse en effet, c'est en faisant jouer toute une palette de sonorités et de musiciens du cru, en ne se refusant rien des petits plaisirs que procurent l'utilisation d'un theremin, ou de cordes symbolisant l'éveil de la vie diurne sur "Dawn". L'enchaînement harmonieux avec "Tap room", au feeling bossa-nova rappelant "Insensatez" de Jobim, marque un refus de s'appesantir, une légèreté constante qui va jusqu'au genre "lounge-music" sur un "Viré de l'Ortf" au titre amusé : Amor troue le morceau de guitares rouillées qui grippent la rythmique au beat easy-listening, un verre de champagne à la main - un champagne sans bulles, dans une party sans Peter Sellers ni Blake Edwards. "Le Tropicana Club" est un peu suranné, désuet, comme un plateau de cinéma déserté où le Sam de "Casablanca" ne jouerait plus que quelques notes tristes sur son clavier.

Naïm Amor s'attaque même à John Coltrane avec une micro-reprise gracieuse de "Naïma", aérée de chœurs paisibles qui clignotent dans le lointain. C'est une démarche plutôt sympathiquement dérisoire que de faire des haïkus au pays des grands espaces, dans lesquels Naïm Amor semble balancer entre le western et la comptine.