The infamous

Mobb Deep

par Thomas D. Lavorel le 24/01/2018

Note: 8.5    

C'est un hasard qui me fit découvrir Mobb Deep l'année du décès de Prodigy, l'un des deux protagonistes du groupe. Aussi, cette chronique pourrait-elle se décliner comme un hommage, un salut des vivants au travail des morts.
"The infamous" est ce que l'on appelle un classique qu'il n'est pas besoin de présenter ; le morceau "Shook ones pt. II", qu'il est difficile de ne pas avoir entendu au moins une fois dans sa vie, serait considéré par les spécialistes comme l'un des meilleurs morceaux de l'histoire du hip-hop. À juste titre semble-t- il. L'album dans son ensemble est remarquable par sa cohérence musicale et dramatique, ce qui en fait d'emblée un modèle de perfection, phénomène assez rare dans le domaine de la production musicale et artistique dans son ensemble pour être souligné ; il se déploie comme une tragédie en trois actes qui nous entraîne dans un cycle de violences sans commencement ni fin qui conduit nécessairement au bord de la tombe.

"The start of your ending" donne le ton du voyage, crépusculaire : Les "Poetical Prophets" nous embarquent dans une voiture enfumée de crack et de marijuana, volume à fond de basse. Ils nous racontent, comme tout le hip-hop du monde, comment ça se passe dans les quartiers de New-York qui sont de l'autre côté de la loi et dont nous sillonnons les rues. Mais plus encore, c'est une vision du futur que Mobb Deep nous livre, de votre futur : "Ici s'arrête votre route, ici s'arrête votre monde, ici les lois que vous connaissez ne sont plus la loi. Ici, nous sommes les maîtres et les gardiens. Nous ne sommes pas une erreur dans l'équation, nous sommes pas une exception à la règle, nous en sommes l'origine et la destination. Notre présent, c'est votre futur."

Les morceaux comme "Eye for eye", "Temperature's rising", jusqu'au fameux "Shook ones", avec leurs instrus lourdes, écrasées, puissantes, les flow rapides et percutants, qui descendent dans les tripes et travaillent les viscères à la manière d'un poison lent, caractérisent cette progression lancinante de l'enfer sur la terre. Ça c'est du hardcore. Au-delà de la qualité musicale de l'album, de sa production, dont on peut dire qu'elle n'a rien perdu de son efficacité et qu'il faudrait se lever de bonne heure ou se coucher très tard pour réaliser, dans ce domaine, un objet culturel aussi percutant ; ce qui intéresse avec cette chronique c'est de mesurer la portée prophétique, avec un recul de plus de vingt ans, de cette projection spectaculaire dans un futur qui devient certainement de plus en plus notre présent et sous des formes qui ne sont pas encore totalement déployées.



MOBB DEEP Eye for eye (1995 Audio seul)


MOBB DEEP Temperatures rising (1995 Audio seul)


MOBB DEEP QU hectic (1995 Audio seul)