| | | par Jérôme Florio le 21/10/2003
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| Au dos de la pochette, une critique de 1972 définit Mike d'Abo comme "un Carole King masculin - avec un soupçon de Randy Newman". Il n'atteindra cependant jamais le même niveau de popularité, et cette comparaison, pour réductrice qu'elle puisse paraître, exprime bien la difficulté de trouver à d'Abo une personnalité forte et identifiable.
Au milieu des années soixante, Michael d'Abo a été pour un court laps de temps, après le départ de Paul Jones, le chanteur de Manfred Mann. Les "singers-songwriters" tels que Cat Stevens, Elton John, Carole King ou encore Joni Mitchell font bientôt leur apparition et tiennent le haut du pavé dans les charts : d'Abo, sentant le vent venir, décide de tenter sa chance dans cette catégorie.
Sur la présente compilation qui couvre la période 1972-1976, l'album "Down at Rachel's place" (1972) se taille la part du lion (neuf titres) : c'est une collection de chansons assez conséquente, qui tient la route et semble en effet fortement marquée par Randy Newman. Un piano ragtime mène le bal ("Rachel's place", "Salvation song"), des trompettes sonnent jazz New-Orleans, les flûtes font aussi penser à Kevin Ayers - le psychédélisme en moins -, ou encore l'arrangement de cordes mélodramatique sur la plus upbeat "You are the singer". Mais à la différence de Newman, Mike d'Abo n'est ni fielleux ni cynique pour un sou, ce qui rend par moments son écriture un peu mièvre ("Belinda"). Si on peut lui opposer un certain manque de profondeur, d'Abo sait sans aucun doute écrire de jolies choses ("Little Miss Understood", "Tomorrow on my mind"), avec un vocabulaire direct et simple - sans être simplet.
Sur "Broken rainbows" (1974), la maison de disques impose le producteur Elliot Mazer (qui a travaillé sur "After the goldrush" de Neil Young) pour donner un parfum "country" au disque, vraisemblablement en vue de pénétrer le marché américain. Les arrangements banjo et pedal-steel fonctionnent bien sur "Fuel to burn", "Sittin' on a wood floor" ; l'influence Newmanienne refait surface sur "Papa didn't tell me", jouée piano-voix, et aussi sur la claudiquante "My load" qui combine country-folk et fanfare jazz-ragtime. Tout cela sonne très "middle-of-the-road", mais reste quand même du bon côté de la route. Cela se gâte quelque peu avec le single "Stardust serenade" (1974), puis sévèrement sur les chansons écrites à quatre mains avec le pote Mike Smith, pour "Smith & d'Abo" (1976). Le son pop variétoche hétérobeauf seventies, avec ses cordes à la Chicago et ses grooves chromés, achève d'engluer les titres ("Happy (Hollywood symphony)", "Runnin' away from love") dans la mièvrerie qui était là, tapie dans un coin, depuis le départ. Il n'y a que "Rockin' chair" pour renouer furtivement avec les arrangements plus dignes des disques précédents.
Chanteur et compositeur non dénué de qualités, mais manquant un peu de raffinement et de charisme, d'Abo peine à se démarquer d'artistes plus reconnus. Alors pourquoi éprouve-t-on une certaine sympathie à son égard ? Peut-être que par moments, on se sent plus proche d'un travailleur consciencieux comme Mike d'Abo que de certains génies certifiés de l'écriture, car moins intimidant, à notre hauteur d'homme. |
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