| | | par Sophie Chambon le 18/02/2006
| | |
| Musicien mythique au Japon, pianiste de collectionneurs (certains de ces albums s'arrachent sur ebay), connu en France mais de façon bien plus raisonnable, le martiniquais Michel Sardaby, est en train de faire son grand "retour" dans notre pays, même s'il a rarement quitté la métropole. Il n'y jouait pas beaucoup, très estimé par la profession, mais peu connu du public. Ce nouvel album fut enregistré en direct lors de la double soirée anniversaire donnée à l'Archipel en avril 2005, pour les 70 ans de la revue Jazz Hot et du pianiste (son premier disque "Blue sunset" remonte à 1965). Paris Jazz Corner, à l'origine de cet album, est bien plus jeune, fêtant seulement quatorze années fertiles en rééditions bienvenues.
Le pianiste se produisait ce soir là en trio avec Reggie Workman à la contrebasse et John Betsch à la batterie. Sa discographie nous confirme qu'il a déjà joué avec ce trio au Japon, enregistrant un autre "Intense moment" en juin 1997. 17 titres gravés sur deux Cd, soit plus de deux heures de musique qui restituent le concert dans son intégralité. Plutôt que de faire découvrir ses propres compositions (il n'y en a que deux sur l'ensemble des titres proposés), Michel Sardaby a choisi ce qui est certainement un exercice des plus périlleux aujourd'hui : reprendre des standards, de Gershwin à Ellington ("Dont' you know i care") et Billy Strayhorn ("Lush life"), de Billie Holiday ("Don't explain") à Miles et Monk. Le public jubile sur certains titres, et on les comprend quand il s'agit de "In walked Bud", "Rhythm-a-ning" et "Blue Monk".
Sardaby est souverain dans les thèmes bop qu'il exécute avec efficacité et originalité. Le bop est bien l'une des périodes les plus illustratives de cette musique de partage. A l'écoute de cette musique captée sur le vif, l'auditeur est frappé par le naturel avec lequel elle mêle audaces formelles, puissant flux vital et appel à la danse. On ne se lasse pas d'entendre les mêmes morceaux
parce qu'ils ne sont jamais les mêmes. C'est à un véritable bain de jouvence que nous sommes conviés, et les amateurs les plus coriaces (et les plus éclairés) y trouveront matière à découverte. Un vrai travail de relecture de toute une époque. Ayant de l'intérêt pour les mélodies, Michal Sardaby sait les adapter à son goût fervent, les imaginant à chaque fois différentes. Imposant sa manière dans une nouvelle "construction", il n' y a rien de moins convenu que la rencontre de ces trois musiciens qui s'inscrivent dans les modalités d'un chant venu des profondeurs, et qui produit dans son énonciation les formes de sa modernité. On y croit à nouveau, au moment même de son surgissement. Il ne faut pas se priver de ces petits bonheurs quand ils surviennent. Le jazz est assurément la musique de l'instant. |
|
|